Dix nouveaux magasins par an jusqu’à l’horizon 2020 : c’est le rythme d’expansion que s’est fixé Lidl dans notre pays. Un déferlement de nouveaux magasins qui passe d’autant moins inaperçu qu’il s’assortit d’une hausse considérable de leur jauge moyenne, et de la poursuite d’une stratégie conquérante sur tous les fronts. Rencontre avec un des responsables d’expansion de l’enseigne, qui développe désormais dans sa zone bruxelloise des projets hors normes. 

Tenir ce rythme de développement suppose un travail intensif de la part des équipes chargées d’identifier les opportunités de nouvelles implantations, évaluer leur potentiel, recueillir les autorisations requises et mener les chantiers à bien. La récente tenue du salon de l’immobilier Realty à Bruxelles nous a fourni l’occasion d’une rencontre avec un de ceux qui s’emploient à étendre le réseau de Lidl. A 33 ans, Sébastien Segers est Senior Expansion Manager chez Lidl, une entreprise qu’il a rejointe voici 6 ans et demi. Une fonction dans laquelle il semble pleinement s’épanouir, à en juger par le grand sourire et l’enthousiasme avec lequel il partagera avec nous ses projets au cours de cet entretien. Titulaire d’un master en management de la Louvain School of Management (UCL), il se dirige d’abord vers des fonctions de gestion comptable chez Devimo, puis d’audit chez BDO. Des tâches sans doutes un peu arides pour son tempérament très ouvert. Aussi, quand se présente en 2010 l’opportunité de rejoindre Lidl en tant qu’Expansion Manager, il n’hésite pas. Il exerce aujourd’hui son savoir-faire, renforcé par un diplôme de l’Executive Program in Real Estate à Solvay Brussels School, au sein d’une équipe d’une dizaine de personnes spécifiquement dédiées
 à l’agglomération bruxelloise et ses environs. Une région où Lidl a récemment multiplié les ouvertures. On pense au magasin flambant neuf de Sterrebeek, qui rencontre un succès tel que, de l’aveu même de l’enseigne, le parking s’avère déjà sous-dimensionné. La commune de Machelen a elle aussi vu apparaître un Lidl de nouvelle génération. Et à Evere, c’est l’ancien garage de BMW qui a été converti en supermarché.

Cohabitation

Comment Sébastien Segers perçoit-il la spécificité de ce territoire bruxellois qu’il maîtrise parfaitement, pour l’avoir couvert depuis son arrivée chez Lidl ? « D’abord, on doit pointer l’importance de la croissance démographique à Bruxelles. En 2010, le Bureau du Plan avait calculé que la région allait accueillir 200.000 nouveaux habitants à l'horizon 2020. La Région a entretemps conclu que cette prévision serait atteinte dès 2018. Ces habitants, il faut les loger, mais aussi servir en transports ou en commerces. Les opportunités sont bien là et Lidl a la volonté de les saisir à travers une approche qui répond de façon positive aux attentes des pouvoirs publics et des riverains. » Cette démarche, c’est celle que l’enseigne met en pratique pour ses projets d’Anderlecht (rue Pierre Marchant) et de Molenbeek (rue Delaunoy). Particularité ? Il ne s’agit pas ici de faire sortir de terre un magasin Lidl standard, mais plutôt de développer un projet mixte qui associe surface commerciale et logement.

A Anderlecht, le nouveau magasin d’une surface commerciale nette de 1.700 m2 sera par exemple coiffé de 79 appartements, et disposera en sous-sol de 3 niveaux de parking, dont un réservé aux habitants. La démarche est à la fois vertueuse, puisqu’elle évite de gaspiller l’espace constructible - forcément limité - en zone urbaine, et habile, puisqu’elle permet de valoriser le foncier, dont les tarifs en zone urbaine sont plus élevés. C’est aussi une démarche durable : elle anticipe l’avenir et les besoins de logements qu’il ne manquera pas de faire surgir, sans même parler du soin apporté à la qualité du projet.

La dalle surplombant le magasin, et sur laquelle reposeront les logements, sera végétalisée,
 ce qui créera pour les habitants un espace commun de vie et de détente, susceptible de favoriser un lien social. La végétalisation du toît, de nature intensive, impacte favorablement d’autres facteurs environnementaux : elle joue un rôle d’isolant, et elle sollicite moins les réseaux d’égoutage, puisqu’elle capte
 une bonne partie des eaux de pluie. « Nous récupèrerons aussi une partie de cette eau de pluie pour les besoins du bâtiment, et rajouterons des panneaux solaires couvrant la consommation annuelle de 40 ménages » précise Sébastien Segers. Ajoutons encore que le rez-de chaussée n’abritera pas seulement le supermarché Lidl: des locaux sont prévus pour accueillir l’exercice de professions libérales. Quant au quai de déchargement, il sera entièrement couvert, afin de minimiser les nuisances sonores pour les riverains.

S’intégrer
 au tissu urbain

Avec de tels projets mixtes, on s’écarte résolument des magasins «boîtes à chaussures», comme on a coutume
 de qualifier dans le métier les projets immobiliers commerciaux standardisés, façon parallépipèdes de béton. « Nous adoptons ici une démarche nouvelle qui tente de s’intégrer de façon utile au tissu urbain », confirme Sébastien Segers. « Dans le cas d’Anderlecht, ce sont 8.000 habitants qui vont à terme arriver sur zone. Et ce projet est pour nous une première à plus d’un titre, y compris dans le travail de concertation conduit avec les autorités locales, la Chambre de qualité et le Maître architecte (bouwmeester). Sans même parler des efforts spécifiques que requièrent
 ces projets bruxellois atypiques, plus gourmands en temps, en études d’ingénieurs et interventions d’architectes. Bien sûr, c’est une approche un peu plus complexe et plus lente 
que pour un magasin standard: le projet évolue en fonction de l’interaction avec ces partenaires. Mais lorsqu’il aboutit, il facilite par contre la délivrance des permis nécessaires. »

Le projet anderlechtois n’est pas le seul du genre. Un autre projet mixte est appelé à apparaître rue Delaunoy, à Molenbeek, près de la chaussée de Ninove. C’est sur l’emplacement d’un ancien Cashwell que doit s’ériger un magasin de 905 m2, associé à 23 appartements.

Et Bruxelles n’est pas la seule ville concernée : Lidl compte bâtir à Anvers, sur la Markgravelei, un magasin de 1.175 m2 (nets) couplé à 37 appartements et 24 maisons (là aussi, un ancien site Cashwell). Sébastien Segers le reconnaît : il faut être un peu visionnaire pour s’engager sur de tels projets, qui réclament davantage de patience. Pour tenir compte, comme à Anvers, des réactions des riverains. Pour impliquer toutes les parties prenantes. Mais aussi pour la phase des travaux proprement dite. « Il s’agit là de chantiers plus longs, qui s’étalent sur 1 an et demi à deux ans, quand il suffit de 6 mois pour bâtir un magasin standalone. Ce sont des projets où il faut parfaitement anticiper l’évolution, car il sera dans leur cas impossible de démolir le bâtiment pour remodeler le magasin dans 10 ans. »

Alors que les magasins périurbains de Lidl déclinent un plan standardisé, les projets bruxellois sont cousus sur mesure, comme le prouve encore un autre futur magasin anderlechtois, celui qui va s’installer dans l’ancien garage Renault du square Albert 1er (quartier de Cureghem). Lidl a accepté la contrainte de ne pas systématiquement démolir le bâtiment existant, une démarche soutenue par l’IBGE. On parle cette fois d’un magasin de 1315 m2, de 91 places de parking, et de 19 appartements aménagés dans les anciens bureaux installés à l’étage.

Recherche développeurs...

Si Lidl est bien à l’origine de ces projets 
mixtes, le retailer n’entend pas pour autant changer de métier: il souhaite confier à un développeur externe la responsabilité du volet immobilier comprenant les logements et locaux professionnels cohabitant avec le magasin. Il s’agit bien sûr aussi de couvrir les coûts totaux plus importants que représentent ces ambitieux projets mixtes : 25 millions d’euros pour Anderlecht «Pierre Marchant», 15 millions pour le square Albert 1er, 12 millions à Molenbeek. « Dans le cas d’Anderlecht, nous n’avons pas encore choisi le développeur, et un appel d’offre va être lancé. Nous verrons alors ce que les développeurs peuvent nous offrir pour la reprise des quotités terrain. »

La présence
de Lidl sur le salon Realty est de ce point de vue une démarche utile à toutes les parties: l’enseigne peut y informer les développeurs de ces opportunités de projets mixtes, et les développeurs présenter eux-mêmes du foncier susceptible d’intéresser le distributeur pour ses projets de nouvelles implantations. Enfin, les pouvoirs publics ne sont pas les derniers à faire une halte sur le stand de Lidl, compte tenu des projets de revitalisation d’anciennes friches industrielles qu’ils souhaitent favoriser. Le développement rapide du parc Lidl n’est pas passé inaperçu. D’autres développements sont attendus en région bruxelloise, sur un modèle plus classique (non mixte). L’un à Schaerbeek, rue des Coteaux, une perpendiculaire à l’avenue Rogier. Et l’autre à Berchem-Sainte-Agathe, où le magasin existant va voir sa surface tripler.

Et l’on ne parle ici que de ce qui est connu. Les ambitions bruxelloises (entre autres) de Lidl ne sont pas encore rassasiées. Ce qui laisse à Sébastien Segers une large marge d’expression pour son rôle de responsable expansion...