La rumeur allait déjà bon train quand Delhaize a finalement annoncé son plan d’économies. Mais personne n’aurait pu imaginer que tant d’emplois et de magasins puissent ainsi passer à la trappe. Comment en est-on arrivé là ? Tentative d’explication.
Le nouveau CEO
Craignant un plan d’économies, les syndicats avaient déjà tiré la sonnette d’alarme le mois dernier. Quelques semaines plus tard, la direction confirme lors de l’assemblée des actionnaires du 22 mai que, pour rester compétitif, elle ne peut faire autrement que de s’atteler à la mise en place d’un tel plan.
Cependant, à l’époque, elle ne confirme ni n’infirme qu’il y aura des licenciements et ne dit rien d’éventuelles fermetures de magasins. Mais dans son édition du week-end dernier, le journal économique De Tijd révèle que Delhaize envisage bel et bien de fermer des magasins. Selon une source, la direction parle d’économies depuis près de deux ans mais sans aucune décision ne soit prise.
L’arrivée de Frans Muller à la tête du Groupe Delhaize a changé la donne. Il est clairement prêt à se salir les mains et à donner un grand coup de balai dans l’organisation de l’entreprise. Son arrivée pourrait peut-être expliquer le départ de quelques dirigeants de premier plan, Dirk Van den Berghe et Stéfan Descheemaeker notamment.
Des magasins non rentables
Pour justifier les fermetures, Delhaize invoque la hausse des coûts salariaux de ses activités en gestion propre. Les marges des magasins en gestion propre sont clairement inférieures à celles des magasins franchisés et à celles de la concurrence. « Comparé à ses principaux concurrents, Delhaize Belgique est confronté à une croissance structurelle de ses coûts sur les plans des salaires et des avantages sociaux dans ses supermarchés en gestion propre. Aujourd’hui, la différence se situe dans une fourchette allant de 15 à plus de 30%. » Delhaize a donc l’intention de réduire ses coûts en fermant les magasins non rentables (Aarschot, Berlaar, Diest, Dinant, Eupen, Genk, Herstal, Kortrijk Ring, La Louvière, Lommel, Dendermonde, Tubize, Turnhout et Schaerbeek) et en licenciant 2.500 personnes dans les trois ans à venir. Ceux qui conserveront leur emploi devront faire des sacrifices car Delhaize entend adapter ses salaires « à l’échelle de salaires de la concurrence. »
La concurrence
Ces dernières années, la concurrence est devenue de plus en plus féroce. Elle n’a pas seulement le visage du champion des prix bas, Colruyt, mais également celui du discounter Lidl qui a élargi son assortiment et investi avec succès dans ses magasins.
Mais celui qui fait le plus mal à Delhaize est incontestablement le nouveau venu du marché flamand, Albert Heijn. La chaîne hollandaise propose une formule de magasin très comparable et, avec l’assortiment qui est le sien, vise le même public cible que Delhaize.
La grande différence est qu’Albert Heijn est capable de pratiquer des prix bas et de multiplier les promotions tandis que Delhaize n’arrive pas à se départir de son étiquette de cherté. La chaîne a bien tenté de jouer elle aussi sur les prix mais n’a pas réussi à convaincre le consommateur. Sans compter que cette politique a solidement raboté ses marges.
La guerre des prix
Depuis l’irruption d’Albert Heijn sur le marché belge, on parle à nouveau de guerre des prix. Quoiqu’il en soit, le retailer hollandais, qui peut acheter à des conditions ‘hollandaises’ tout en bénéficiant d’économies d’échelle, a clairement mis une grosse pression sur les marges de ses concurrents. C’est ainsi que pour le premier trimestre 2014, Delhaize a accusé un recul de 0,8% de son chiffre d’affaires mais également un recul de 1,7% de ses marges bénéficiaires (de 4,8% à 3,1%). Avec l’annonce de son plan d’économies, Delhaize apparaît comme la première victime de cette guerre des prix.