Longread Black Friday, la "fête de la consommation" sous les feux des projecteurs
Le Black Friday, lendemain de Thanksgiving, est « la » journée des bonnes affaires. Ce jour-là, les promotions extrêmes pleuvent et les consommateurs du monde entier en sont fous. Une étude d’Ingenico, qui propose des solutions de paiement en ligne, explique à quel point le Black Friday est une vraie mine d’or pour les achats en ligne.
En comparaison à un vendredi « normal », les retailers ont traité 90% de transactions en plus lors du Black Friday de 2018 et les consommateurs ont dépensé 175% de plus. Au niveau international, les ventes durant le Black Friday ont augmenté de 73% entre 2017 et 2018. Ce chiffre devrait être encore plus élevé cette année. En un mot : c’est la fête. Chez Comeos, association des commerces et des services, cette journée commerciale provoque un certain enthousiasme. Voici deux ans, l’association des annonçait que le Black Friday avait dépassé toutes les attentes. « Cela montre que cet événement se positionne différemment par rapport aux soldes traditionnelles, qui ont principalement un impact sur les magasins de vêtements. Le consommateur ne peut qu’en tirer profit. »
Il existe différentes possibilités pour expliquer l’origine du Black Friday. La légende raconte que le Black Friday doit son nom à un événement survenu au début des années 50, lorsque la police de Philadelphie a qualifié un vendredi de journée « noire » lorsqu’il y avait tellement de gens en déplacement que la circulation s’est bloquée et que les routes sont devenues noires de monde. L’expression se répandit petit à petit jusqu’à ce que le New York Times décrit en 1975 le Black Friday comme « la journée de shopping la plus intense de l’année. » Aujourd’hui, de nombreux États ont fait du Black Friday un jour férié officiel. De nombres grandes surfaces et magasins ouvrent leurs portes dès quatre ou cinq heures du matin, moment où les gens tambourinent déjà devant la porte. La rage du Black Friday peut également être prise à la lettre : depuis 2006, pas moins de 12 personnes ont été tuées aux États-Unis. Ceux qui n’imaginent pas cela devraient jeter un œil à ces images. Encore plus de folie – à 4 heures du matin ! – ici.
Un vendredi qui dure toute une semaine...
Le Black Friday voit aussi les ristournes se multiplier pour les achats en ligne. Petit avantage : pas de cohue et pas besoin de bivouaquer toute une nuit devant les portes du magasin. Du reste, l'horaire du Black Friday ne cesse de s'étendre. Coolblue en bol.com proposent à leurs visiteurs des réductions valables pendant une semaine entière. bol.com affiche un compte à rebours pour pousser leurs consommateurs à l'achat : vous n'avez plus que 11 heures, 28 minutes et 58 secondes pour conclure votre achat. Les réductions vont de -30% à -50%. A l'international aussi, de plus en plus de webshops proposent des produits en (forte) promotion au cours de la semaine qui précède le Black Friday. « C’est nécessaire et surtout pratique », nous confie Pieter Zwart, de Coolblue. "Le trafic est parfois si dense le vendredi que les services d'emballage et expédition belges et néerlandais se trouveront dans l'incapacité de livrer le lendemain. Aussi avons-nous décidé de déverrouiller tous les deals Black Friday dès le lundi."
Amazon publie des "offres du jour" qui ne sont disponibles que durant 24 heures. Et toutes les cinq minutes apparaît une "Vente flash" à saisir endéans les six heures. L'urgence est rarement bonne conseillère, sauf pour les soldes. Le web compte aussi des sites tels que blackfridaybelgium.be et blackfriday.be, qui recensent les offres Black Friday disponibles.
Le lundi qui suit le Black Friday est quant à lui dénommé "Cyber Monday", jour jour où pleuvent les ristournes sur les webshops, même si la notoriété de cette journée commerciale est bien moindre chez nous que celle du Black Friday qui s'est lui, clairement imposé comme une institution, offline et online.
Une aubaine pour les femmes très instruites
Qui sont les consommateurs qui participent à l'engouement du Black Friday ? L'institut d'études de marché GfK s'est penché sur la question et a publié une analyse qui montre que près de la moitié de la population belge effectue au moins un achat lors du Black Friday de novembre. Chez les jeunes générations, le chiffre est encore plus élevé. Parmi les consommateurs de moins de 45 ans, 52% disent participer au Black Friday. Le consommateur moyen est très instruit, âgé de 35 à 44 ans et appartient à une classe sociale élevée. Les femmes, en particulier, semblent être de ferventes adeptes des bonnes affaires puisque pas moins de 47% d'entre elles ont déclaré avoir fait un achat lors du Black Friday, contre 37% des hommes. Le client du Black Friday préfère faire ses achats le jour-même (60%) et le week-end suivant (48%).
Les Belges n'achètent pas de cadeaux pour des occasions spéciales lors du Black Friday. Selon l'étude de GfK, les consommateurs en profitent surtout pour se faire plaisir. Près des deux tiers disent avoir acheté quelque chose pour eux, contre près d'un quart ayant acheté quelque chose pour leur famille durant le week-end du Black Friday. Contrairement aux idées reçues, il ne s'agit souvent pas d'achats impulsifs. Deux clients sur trois affirment qu'ils auraient acheté les produits dans tous les cas. Cependant, difficile de résister à une bonne affaire : plus d'une personne sur trois est tentée d’effectuer des achats supplémentaires lors du Black Friday.
67% des commerçants belges ne participent pas au Black Friday
Les prévisions semblent dire que le Black Friday de cette année sera le plus réussi de tous : il y a plus de possibilités de faire des bonnes affaires, plus de vendeurs aux aguets et plus de personnes ayant entendu parler de l'événement. Les chiffres de GfK montrent que 98% des Belges connaissent désormais le concept du Black Friday, même si tous ne sont pas partisans de l'initiative. De nombreux commerçants indépendants constatent avec regret la montée du phénomène. Les chiffres du Neutral Syndicate for the Self-Employed (NSZ) de l'année dernière montrent que 67% des commerçants belges ne participent pas au Black Friday. La raison principale étant que les bénéfices sont engloutis par les nombreuses journées de promotions tout au long de l'année. Le mois dernier, on assistait déjà au 'Webshop Day' et au 'Singles Day' : deux initiatives provenant d'Asie, qui encouragent également les promotions. Il est aussi possible de profiter de soldes à l'occasion d'Halloween ou encore vers la fin de l'année.
Les appels au boycott du Black Friday se multiplient
Vendredi dernier – pile une semaine avant le Black Friday – un groupe de producteurs, marchands et commerçants belges ont organisé la première édition du Local Friday, une initiative entre autres soutenue par JBC et Torfs. Ici, point de bonnes affaires à l’horizon, mais une campagne invitant les consommateurs à réfléchir à leur comportement d’achat. Le but est de demander aux consommateurs d’acheter plus souvent local, à un prix normal et équitable. À Anvers, un marché baptisé ‘Local Friday Fair’ a donné à une trentaine d’exposants l’occasion de présenter leur entreprise et leurs produits. La reproche de ces exposants : ce sont surtout les grands webshops internationaux qui accordent des remises exceptionnelles et poussent les commerçants belges à suivre le mouvement. Mais cette course à l’abîme asphyxie le commerce local. Grete Remen, CEO de l’entreprise alimentaire Damhert, appelle elle aussi les commerçants à boycotter le Black Friday. « Notre webshop sera inaccessible de jeudi soir à samedi matin. Nous collaborons exclusivement avec des entrepreneurs indépendants qui ne peuvent pas se permettre d’octroyer de telles réductions. »
Si les réactions au Black Friday se multiplient, c’est aussi parce qu’il est considéré comme une dérive du consumérisme à outrance qui s’est emparé de notre planète. À l’échelle internationale, un ‘Buy Nothing Day’ est organisé une semaine avant le Black Friday. En Belgique et aux Pays-Bas, il a lieu un jour plus tard, le dernier samedi de novembre. Et ce ne sont pas les seules initiatives. Vendredi, le magasin anversois Rewind Design fait don de 5 % de son chiffre d’affaires à Oxfam. « Par le passé, nous participions nous aussi au Black Friday. Un peu par habitude et évidemment du fait de l’explosion des ventes attendues ce jour-là », peut-on lire dans un communiqué de presse. « Mais les petits commerçants ne sont pas les seules victimes. Les producteurs et les fournisseurs de matières premières sont aussi les dindons de la farce. C’est pourquoi nous leur offrons 5 % de notre chiffre d’affaires. » Dille & Kamille ne succombera pas non plus aux sirènes du Black Friday. « Cet événement, et la démesure consumériste qui le caractérise, est littéralement une journée noire pour le climat et la nature », déplore le directeur général Hans Geels. La chaîne de magasins prévoit par conséquent de faire un don supplémentaire à ses partenaires BOS+ et Trees for All. D’autres boutiques (web) promettent pour leur part de planter des arbres pour toute commande.
Le Black Friday, une fête ? Pas pour tout le monde...