La guerre des capsules arrive en Belgique ! Ce qui n’est pas un mince événement dans un pays où 86% des ménages sont consommateurs de café, et où ce breuvage est la 2e boisson la plus consommée... après l’eau! Le Belge boit en moyenne 5 tasses par jour, soit le double de la moyenne européenne. En soi, une excellente nouvelle pour la marque leader, Douwe Egberts, qui s’attribue 35% de parts de marché en café moulu et profite d’une grande fidélité de ses acheteurs (2,5 millions de ménages): 50% d’entre eux achètent exclusivement du café Douwe Egberts. Créée en 1753, la marque arrive en Belgique en 1948, et ne cesse depuis lors de segmenter son offre pour mieux asseoir son empire sur la catégorie café. Le dernier exemple en date est l’arrivée en 2010 des Aromettes, ce système de café moulu en pépites prédosées.
Segmenter le marché, Douwe Egberts y a elle-même plus que contribué en lançant voici 10 ans avec Philips le système Senseo. Une vraie révolution qui allait introduire dans les habitudes quotidiennes un nouveau mode de consommation individuelle. Bien sûr, les pads n’allaient pas pour autant détrôner le café moulu préparé au percolateur: celui-ci représente toujours 50% du chiffre d’affaires de la catégorie dans notre pays. Mais la base installée Senseo concerne en Belgique 2 millions de machines, dont à peu près 200.000 sont renouvelées chaque année. Senseo, c’est une part de marché en valeur flirtant avec les 30%. Où Douwe Egberts a du apprendre à compter avec la concurrence en 2004, quand le tribunal d’Anvers a choisi de ne pas sanctionner les pads compatibles de Fort, Beyers et Café Liégeois. Seule la machine elle-même reste protégée par le brevet.
Premiumisation. Entretemps, le marché a continué de se développer, en apportant à domicile la qualité et l’expérience spécifique de l’espresso “à l’italienne”, jusque là réservé à l’horeca. Tour à tour, Nestlé (Nespresso) puis Lavazza (A Modo Mio) ont développé avec des partenaires du secteur électroménager des concepts de véritable espresso haute pression, mais offrant au particulier le confort de capsules prédosées. Rien n’a été trop beau pour faire de Nespresso plus qu’un produit: une love-brand et une expérience. Investissements publicitaires considérables autour des légendaires campagnes “What else?” avec George Clooney, distribution exclusive à travers les somptueuses boutiques de la marque et l’e-shop, large choix et packagings haute couture....
Tout ceci allait porter ses fruits: le segment de l’espresso à domicile pèse près de 20% du marché, mais est aussi celui dont la croissance est la plus soutenue. Voilà qui ne pouvait longtemps laisser de marbre le leader du marché belge. D’autant plus qu’en France (“L’Or Maison du Café” - avril 2010) , en Espagne et au Pays-Bas, Sara Lee avait déjà pris la décision de lancer en grande distribution des capsules compatibles avec les machines Nespresso. Elle n’est pas la seule: un ancien patron de Nespresso, après avoir quitté le groupe, s’est lancé en Suisse, sous le nom d’ECC (Ethical Coffee Company - un nom étonnant compte tenu du contexte-), dans la production de capsules compatibles sous private labels, et fournit le groupe Casino. Une situation que Nestlé juge intolérable: le président du groupe, Paul Bulcke, nous avait lui-même confié lors de son passage en Belgique que Nespresso était probablement le joyau de sa couronne. L’arrivée de cette concurrence ne pouvait donc que déclencher des procédures légales. Elle sont effectivement en cours: Nestlé a porté plainte pour violation de brevets. Pour Nespresso, l’enjeu n’est pas mince: au-delà de la question de principe, ce n’est pas tant la concurrence proprement dite qui pose problème: la marque suisse garde l’avantage sur la largeur de choix, l’image super-premium, et même le différentiel de prix reste modeste. C’est plutôt la présence de ces capsules concurrentes dans un large réseau de distribution, les grandes surfaces, où elle a délibérément choisi d’être absente pour lui préférer un réseau de vente exclusif, mais en pratique moins accessible pour le consommateur. Consciente de ce talon d’Achille, Nestlé a développé avec Nescafé Dolce Gusto un deuxième système, distribué celui-ci en grandes surfaces, distinct de Nespresso et non-compatible avec celui-ci. Et qui semble lui aussi parti sur d’excellentes bases. Il semble évident que le Groupe voudra protéger cette logique de canaux de distribution segmentés. A l’évidence, ce conflit juridique dépasse le seul marché belge et concerne des enjeux stratégiques majeurs. Bien malin qui pourra poser un pronostic fiable sur son issue et sur son calendrier.
La gamme L’OR EspressO. Pourquoi L’OR EspressO arrive-t-il aujourd’hui, ou seulement aujourd’hui sur un marché si gros consommateur de café? La réponse est triviale: question de capacité. La production, centralisée par Sara Lee dans la région lyonnaise, a d’abord du satisfaire la demande de marchés de tailles considérables (France, Espagne, Pays-Bas). Dès le moment où le marché belge a pu être servi, les équipes Douwe Egberts de Grimbergen ont réagi. Et ont mis sur orbite ce lancement majeur en un temps record, travaillant jour et nuit pour le permettre. Délai court ou pas, L’OR EspressO fait son entrée sur le marché par la grande porte, avec d’emblée plus de 1.000 points de vente concernés en cette dernière semaine de mai. Carrefour, Delhaize et Makro sont de la partie, Colruyt est en cours de discussion. Le shopper trouvera en rayon quatre variétés: Forza, Splendente, Delizioso et Decaffeinato. Chaque boîte contient 10 capsules transparentes, emballées individuellement dans un élégant sachet noir: une réponse aux insights consommateurs qui mettaient en valeur son souci de protéger l’arôme. Car contrairement aux capsules Nespresso hermétiques, les capsules Douwe Egberts sont perforées de petits trous à leur base. Côté prix, celui-ci s’établit à €3,09 le pack de 10 capsules: le différentiel avec Nespresso n’est pas spectaculaire (+/- 10% selon les cas).
A lancement majeur, gros soutien marketing: lancée dans l’urgence (cfr supra), la gamme L’OR EspressO sera soutenue par une campagne publicitaire en TV, presse et internet, en cours de finalisation. Elle visera bien sûr à reproduire les résultats flatteurs enregistrés dans les marchés déjà desservis et atteindre ou dépasser l’objectif annuel fixé: 100 tonnes.