Interview Alain Visser (CEO Lynk & Co): "Je me rebelle contre mon passé"

Le CEO d'une marque automobile présent lors du Gondola Day ? Alain Visser fera figure d'exception, c'est certain. L'homme a toutefois pas mal de choses intéressantes à dire sur le commerce de détail, la consommation et l'innovation.

Lorsqu'Alain Visser a fondé Lynk & Co - qui fait partie du groupe chinois Geely - en 2016, il ne voulait pas lancer une énième marque de voitures. Elle devait être différente, plus innovante. Plus durable aussi. Lynk & Co ne propose qu'un seul modèle, en deux versions - bleu et noir - et sans aucune option. Le véhicule hybride peut être acheté ou utilisé avec un abonnement mensuel. C'est cette dernière formule qui est la plus populaire, explique Alain Visser. "La grande majorité des clients belges ont un abonnement. Il y a 2 000 à 2 500 de nos voitures qui circulent en Belgique. Nous n'avons commencé que l'année dernière, sans faire beaucoup de publicité. Cela fonctionne bien. En Europe, nous avons environ 40 000 voitures en circulation. Nous sommes présents dans huit pays, dont la France, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la Suède (l'interview s'est déroulée alors qu'Alan Visser était en Suède, où il vit et travaille, ndlr). 

Partager, c'est économiser

La clientèle de Lynk est essentiellement composée de jeunes citadins. Ils ne ressentent pas toujours le besoin d'acheter une voiture. "Lynk & Co est là pour les gens qui veulent une voiture mais ne veulent pas payer 25.000 euros ou 500 euros dans les 36 prochains mois parce qu'ils ne savent pas de quoi l'avenir proche sera fait pour eux. Ils peuvent obtenir une voiture quand ils le souhaitent et la quitter quand ils le souhaitent. Ils peuvent également partager la voiture avec d'autres personnes pendant cette période. Plus vous la partagez, plus le prix est bas. Nous avons même des clients qui gagnent plus d'argent qu'ils ne nous en paient en partageant leur voiture. 15 % des gens partagent leur voiture. Cela ne semble pas beaucoup, mais nous pensons que c'est déjà pas mal, car le car-sharing n'en est qu'à ses débuts." 

Les concessionnaires automobiles sont ennuyeux

Ce qui fait la particularité de Lynk & Co, c'est la manière dont l'entreprise se présente à ses clients. "Nous sommes une entreprise en ligne, 90 % de nos transactions se font en ligne. Il n'y a qu'un seul problème à cela : on peut créer un business en ligne, mais pas une marque. Pour cela, il faut une présence physique. Nous disposons de clubs au lieu de points de vente. Vu qu'il n'y a pas de point de vente, il n'y a pas d'objectifs de vente. L'objectif est de surprendre les gens. Il s'agit d'une sorte de concept store avec un bar et puis dans lequel ils aperçoivent une voiture. C'est un tout nouveau concept de vente au détail. Les concessionnaires automobiles sont ennuyeux. Je n'ai jamais vu une famille se lever le matin et se dire : allons chez notre concessionnaire Toyota aujourd'hui. La plupart des gens qui nous rendent visite n'ont aucune idée de ce qu'est Lynk ou de ce à quoi ils peuvent s'attendre. Ils voient simplement que c'est joli, entrent et découvrent ce qu'il y a à faire. C'est très coloré et provocateur, avec de l'humour. En moyenne, un club fait entre 250 et 400 mètres carrés. Et vous n'y trouverez jamais plus d'une voiture".

Révolution 

Etre orateur lors d'une conférence sur le commerce de détail, le CEO de Lynk & Co ne trouve pas cela évident. C'est ce que pense Alain Visser lui-même. "S'il y a un secteur qui ne connaît pas le commerce de détail, c'est bien celui de l'automobile. Nous sous-traitons cela à nos concessionnaires franchisés. Mais c'est justement ce que Lynk a voulu faire et décide de changer. Nous sommes en effet nés parce que l'industrie automobile fait la même chose depuis 100 ans. Rien ne change, excepté qu'il y a désormais des voitures électriques, imaginées par quelqu'un d'extérieur à l'industrie, Elon Musk. Je plaide coupable, ayant moi-même travaillé dans l'industrie automobile pendant 26 ans. J'ai travaillé pour Volvo. Mon travail actuel est un peu une révolution contre mon passé."