Portrait Cornu : quand des éleveurs belges prennent leur destin en mains
Cornu: un nom original, et qui marque la volonté têtue de plusieurs éleveurs bovins ardennais d'offrir un avenir à leur activité, en s'appuyant sur la qualité. Leur réponse à la pression qui s'exerce sur leurs revenus ? Créer une marque qui soit pour le consommateur une garantie de traçabilité et d'indépendance. Et créer, sur un modèle de filière courte, un partenariat avec les commerçants soucieux de porter également ces valeurs.
Ochamps, province de Luxembourg. C'est là, dans un somptueux paysage que paissent les troupeaux de Nicolas et de François Guillaume. L'élevage est pour eux une tradition familiale établie depuis plusieurs générations, presque un patrimoine à protéger. Car les menaces sont bien là: le prix au kilo qu'ils reçoivent en 2018 pour les carcasses de leur vaches ou leur taurillons ne dépasse pas 5 euros, il est même passé sous cette barre en 2020. Impossible d'assurer un quotidien décent aux éleveurs et leurs familles à ces conditions. De plus en plus d'exploitants jettent le gant. Mais si le constat est rude, les frères Guillaume ne veulent pas se résigner. Et avec d'autres éleveurs de la région, comme Louis Moniotte, de Porcheresse, ils choisissent de prendre le taureau par les cornes, et de fonder une coopérative. Sa vocation ? Mettre sur pied une marque dédiée à la commercialisation de leur viande. Une initiative originale dans l'univers de la boucherie.
« Cornu, c'est à la fois une marque et une démarche », nous expliquent-ils. « La nôtre veut garantir au consommateur une qualité sans compromis, et garantir aux commerçants une constance de celle-ci. Nous sommes volontairement indépendants d'acteurs puissants tels que les fournisseurs d'aliments pour bétail. Nous respectons un cahier des charges exigeant, sur des critères tels que la santé, le développement durable ou le bien-être animal. Et surtout, nous insistons sur la transparence. Tout consommateur qui le souhaite peut d'ailleurs devenir coopérateur. Il faut recréer du lien entre le consommateur et le producteur, rétablir de la confiance. Cornu, c'est cela : une signature permettant au consommateur de choisir en connaissance de cause. »
Des débuts très prometteurs
Si Cornu a bien commencé par vendre des colis de viande via son site internet, la jeune marque souhaite surtout développer un partenariat avec des magasins et des enseignes de distribution, en circuit court, quand la filière bovine comporte encore beaucoup d'intermédiaires. « Les distributeurs peuvent être des alliés. Nous connaissons notre métier, ils connaissent leurs clients. Un tel partenariat a du sens, pour ceux qui ont envie de développer de la valeur à partir de produits authentiques et savoureux. » Les coopérateurs de Cornu n'ont pas chômé en un peu plus d'un an : créé la marque, investi dans les outils nécessaires à la production, obtenu toutes les autorisations de l'AFSCA... Un sacré parcours du combattant ! Et puis Cornu n'est plus simplement un projet. Le 6 décembre 2019, les ventes en grande surface ont commencé au Carrefour Hyper d'Arlon, dans le cadre des produits locaux. « Un moment émouvant pour nous. Mais aussi un banc d'essai très utile, et qui n'a pas déçu. La qualité, l'aspect et le goût de notre viande parlent pour elle. Les ventes ont aussitôt décollé, et elles se maintiennent depuis 6 semaines à des niveaux élevés, au-delà de nos attentes et de celles du magasin. » Les prochaines étapes ? « Nous finalisons nos choix packaging et notre plan de com'. Nous arrivons en février dans une série de magasins Mestdagh. D'autres enseignes ont manifesté un intérêt concret. On ne va pas brûler les étapes. Mais on ne va pas faire marche arrière non plus. Nous avons choisi de prendre notre destin en mains, c'est exigeant, mais aussi indispensable, pour tous ceux qui ont l'amour du beau produit et d'une filière digne : producteurs, distributeurs et consommateurs. »