Opinion La pression sur les prix complique les négociations entre retailers et fournisseurs

Les négociations entre fournisseurs et supermarchés risquent d'être plus difficiles que jamais. « Alors que le consommateur belge sent que les prix augmentent, la réalité est toute autre », déclare Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola. 

Depuis 2020, les prix à la consommation en Belgique ont de nouveau chuté. Pour quelle raison ? « Les prix belges sont en moyenne 12% plus chers que ceux des pays voisins », explique Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola. « Une augmentation de prix est un sujet sensible pour les retailers belges, dont la plus grande concurrence est celle des pays voisins. Il n'y a pas de plus grand concurrent pour Colruyt qu'Auchan, qui se trouve de l'autre côté de la frontière française et qui distribue même des folders (en version néerlandaise) jusqu'à Gand. En attendant que l'indice se stabilise, les retailers et les marques n'ont momentanément pas répercuté les fluctuations de prix. Cet indice lissé constituera la base des négociations qui débuteront cette année, raison pour laquelle Gondola Academy organise une séance spéciale le jeudi 16 septembre en compagnie de tous les grands retailers belges. »

Le danger de l’inflation des prix

Selon Pierre-Alexandre Billiet, la consommation domestique belge est un marché microscopique qui suit le transport international de marchandises. Aux États-Unis, les prix des biens ont augmenté car le pays enregistre une forte demande intérieure (+ 3,4% en moyenne) et est donc le premier à absorber l'indexation. « L'inflation des prix est dangereuse. Si l'indexation des salaires est inférieure à l'augmentation effective des prix, la différence devra être absorbée par le consommateur lambda. En Belgique, l'accord entre les partenaires sociaux permet une indexation des salaires de 0,4% maximum, ce qui a un impact sur la consommation. Les achats transfrontaliers augmenteront. A l'inverse, si les prix n'augmentent pas, les enseignes et les marques perdront une grande partie de leur marge : ils sont dans un secteur qui absorbe difficilement les fluctuations en raison d'une croissance lente et de marges étroites. Dans les grands pays comme la France, l'inflation est un avantage économique, mais aussi un risque social : souvenez-vous des gillets jaunes. »

Colruyt, grand gagnant ?

Pour l'année prochaine, les experts tablent sur une inflation des prix à la consommation de 5 à 6%. Colruyt semble être le grand gagnant, selon Pierre-Alexandre Billiet. « Les analyses de données montrent que Colruyt prospère en période d'inflation, lorsque les consommateurs deviennent soucieux de l'argent. C'est le seul retailer qui a des accords clairs avec les marques. Il garantit le prix le plus bas et peut répondre au pouvoir d'achat réduit du consommateur. Les recherches montrent que ce n'est pas le pouvoir d'achat monétaire qui prévaut dans les situations d'après-crise, mais le mimétisme : les consommateurs qui veulent acheter quelque chose le font. En cette période, les émotions jouent un rôle plus important que les considérations rationnelles telles que ‘ai-je un pouvoir d'achat suffisant pour acheter tel ou tel produit ?’ Les retailers disposent d'une panoplie d'astuces pour maintenir l'élasticité du pouvoir d'achat dans un tel contexte, comme ‘acheter maintenant, payer plus tard’, les abonnements, etc. Un phénomène que nous constatons également de plus en plus aujourd'hui. »