Moins de trafic, plus de temps en magasin ! L’étonnant comportement client en grandes surfaces
Comment le comportement d’achat du shopper évolue-t-il dans les supermarchés belges en période de confinement ? Les dernières données d’observation réunies par Amoobi livrent des résultats surprenants...
“C’est totalement inédit. Jamais vu ça en 8 ans d’activité”, remarque d’entrée Olivier Delangre en évoquant les mesures de comportement d’achat effectuées en points de vente par sa société, Amoobi, chez ses retailers clients. Une méthodologie à base de capteurs qui tracent les parcours clients en magasin, et permettent dès lors de mesurer la demande qui s’exprime pour chaque catégorie de produits. Récemment, les données partagées avec Gondola par Amoobi avaient déjà permis de mesurer l’impact de la vague de stockage sur certaines catégories. Nous avons bien entendu eu la curiosité de voir quels glissements de comportements d’achat se produisent, à présent que le confinement, et les mesures de sécurité qui l’accompagnent, sont entrés en vigueur. Le consommateur belge visite-t-il toujours son supermarché de la même manière ?
Le trafic baisse et se distribue plus régulièrement
Premier constat : le trafic s’effondre. Il ne représente plus que 50 à 60% de ce qu’il représente en temps normal. Et il s’est considérablement lissé : les visites se distribuent de façon beaucoup plus régulière, tout au long de la semaine, en gommant les grands pics de fréquentation que représentent, dans l’ordre, le samedi, le vendredi et le mercredi. En cela, l’objectif des mesures prises est rencontré : on évite un afflux massif et une cohabitation excessive en magasin, ou des files d’accès trop longues, puisqu’une norme de densité de visiteurs a été fixée.
Le panier augmente, le temps de visite aussi !
Mais si le trafic de clients chute de façon spectaculaire, comment expliquer dans ce cas que les ventes en supermarché restent pourtant supérieures à la normale ? La réponse est simple: le panier moyen est en hausse. Et les shoppers visitent aujourd’hui bien davantage de catégories qu’ils ne le font d’ordinaire. Le grand paradoxe, c’est que le temps moyen qu’ils consacrent au shopping alimentaire est supérieur à ce qu’il était. Un résultat bien moins conforme aux consignes données, invitant à ne pas dépasser 30 minutes. Elle est communiquée et rappelée, cette consigne, mais en pratique, quasiment impossible à faire respecter…
La dynamique de shopping transformée
Revenons au trajet client proprement dit. Il se focalisait en temps normal sur une série limitée de catégories de destination. Il en ajoute bien d’autres en cette période de crise. “Ceci change complètement la dynamique,” explique Olivier Delangre. “Et fait naître des questions chez nos clients distributeurs. Comment utiliser l’espace ? Comment traiter les têtes de gondoles, quand les promotions sont peut-être à nouveau admises, mais simplifiées, exprimées sous d’autres formes ? La demande des clients est toujours là, mais elle vise moins la chasse aux good deals que les résultats, l’efficacité.”
On en a beaucoup parlé de la promo, ou des remarques de certains consommateurs par rapport au prix, qu’ils estiment en hausse. Une perception favorisée par des déplacements de consommation: on achète plus, et des choses un peu différentes, à présent qu’on est en famille toute la semaine. Ceci dit, si les voix de ces consommateurs ont beaucoup été entendues, elles ne sont pas nécessairement révélatrices de tous les comportements d’achats réels. “Je ne peux pas le confirmer encore pour la Belgique, mais sur d’autres marchés où nous sommes actifs, il y a clairement un effet de premiumisation : les gens font un peu moins attention au prix que d’habitude.”
Des supermarchés redevenus généralistes
Autre constat : la grande distribution est, en attendant la réouverture imminente du DIY et des jardineries, le seul canal de distribution accessible au public. S’il vient bien sûr y rechercher de quoi se nourrir et assurer l’essentiel, il est aussi sensible aux propositions qui lui sont faites de trouver des articles d’un autre ordre. L’exemple type est celui de l’assortiment limité d’articles de loisirs Decathlon proposés dans certains Delhaize. Mais d’autres univers ont pris du galon, signale Olivier Delangre : “Tout ce qui a trait à la santé est très visité. Aux Etats-Unis, c’est le terrain d’enseignes de drugstores à part entière. Mais en Europe, les rayons parapharmacie sont assez limités. Ils font le plein de visiteurs, en supermarchés. A tel point qu’on pourra se demander si, à l’avenir, cette catégorie ne mériterait pas d’être développée pour rencontrer la demande du client.”
Une demande en évolution rapide
“D’habitude”, remarque Olivier Delangre, “les comportements d’achat que nous suivons en magasin sont très stables. Si rien ne change dans le magasin, rien ne change dans le comportement client, c’est aussi simple que ça. Nous travaillons sur des signaux faibles, des petits glissements vers certaines catégories. Ici, les changements sont massifs et extrêmement rapides.” Et toute la question pour les distributeurs est bien entendu de savoir comment et combien de temps ceci va se manifester. Quand le comportement du consommateur va-t-il revenir à une forme plus normale ? Dans 3, 6, 12, 18 mois ? Cette volatilité a aussi une conséquence opérationnelle : si les grandes catégories de stockage (pâtes, riz, conserves, …) continuent à sur-performer, on est pourtant sortis de la folle ruée des débuts. Et d’autres catégories sont à présent davantage visitées, comme les surgelés ou les bières. “Toute la difficulté, c’est bien d’identifier cette demande croissante à temps, pour pouvoir y répondre.”