Carrefour veut réduire l'espace non-food de ses hypers pour en léguer au bio, à la restauration, etc.
Pour remettre Carrefour Belgique sur les rails, l’enseigne mise sur la digitalisation et le caractère santé de son offre. Parallèlement, le personnel devra être plus polyvalent et les hypers devenir plus attractifs. Jusque-là rien de bien neuf, nous direz vous. Geoffroy Gersdorff, secrétaire général, et Hilde Decadt, directrice opérationnelle, ont donné davantage d’informations lors d’une longue entrevue avec De Standaard et Le Soir. Morceaux choisis.
A en croire Geoffroy Gersdorff et Hilde Decadt, Carrefour Belgique n’a pas de problème fondamental. C’est ce qu’ils indiquent en choeur dans une interview accordée à nos confrères de De Standaard. Ils y décortiquent le plan Carrefour 2022, insistant sur le fait qu’il s’agit bien là d’un plan de transformation et non de sauvetage. Les enseignes Express et Market se portent, dans l’ensemble, bien. Il s’agit d’intensifier la stratégie, mais pas de la modifier. Ce sont surtout les résultats des hypers qui inquiètent, impactés par l’essor de l’e-commerce en matière de produits non-alimentaires. Raison pour laquelle il était selon les deux intervenants devenu urgent d’agir et de travailler tant sur les hypers qu’au niveau du siège social.
Des shop-in-shops non-food et de la restauration dans les hypermarchés
« C’est à nous de faire de la surface d’un hypermarché une force, et d’en profiter pour se différencier » déclare Hilde Decadt aux journalistes de De Standaard. Pour ce faire, le retailer entend limiter la surface dédiée à l’offre non-alimentaire. Concrètement, cela signifie qu’il entend réduire sa gamme, pour donner davantage d’espace à d’autres catégories, comme le frais ou le bio. Il lui sera également loisible d’offrir des espaces à ses partenaires extérieurs. C’est d’ailleurs ce que Carrefour France prépare actuellement, en concertation avec Fnac-Darty (Vanden Borre chez nous, Ndlr.). Une piste déjà éprouvée chez nous par Makro qui intègre désormais des corners MediaMarkt dans ses magasins. Ce faisant, Carrefour espère lutter contre les pertes engrangées par l’essor de l’e-commerce non-alimentaire, tout en attirant de nous consommateurs dans ses hypermarchés.
Le retailer entend également offrir plus de commodité aux clients de ses hypermarchés. Cela passera par un accent renforcé sur la santé, sur le bio, le service (boucherie, poissonnerie, traiteur), le local mais aussi par des espaces de restauration. Dans Le Soir, Geoffroy Gersdorff évoque également l’introduction de nouvelles technologies.
Zones
Carrefour travaillera également davantage par zone. Concrètement, cela signifie qu’un magasin situé à proximité d’un autre d’une même enseigne proposant un service boucherie par exemple devra développer d’autres spécificités (un espace poissonnerie, des heures d’ouvertures différentes, etc.).
« Nous voulons devenir la référence en matière de bio en Belgique »
Face à la demande croissante envers les produits sains, Carrefour souhaite se concentrer davantage sur les produits bio et locaux. Et l’ambition est grande! Récemment, Geoffroy Gersdorff nous indiquait vouloir devenir le numéro 1 du bio en Belgique. Il réitère dans De Standaard. « Nous allons fortement miser sur le bio. Carrefour doit devenir la plus importante marque d’alimentation biologique en Belgique, à travers une large offre disponible dans un réseau de 800 magasins - ce dont personne d’autre ne dispose - à un prix démocratique » explique-t-il. Car, dit-il, le bio doit être accessible à tous.
Il y a de cela quelques jours, Geoffroy Gersdorff nous indiquait d’ailleurs avoir la volonté d’ouvrir des magasins bio et locaux. S’il ne s’agit à l’heure actuelle que d’un projet, l’enseigne entend bien le concrétiser, et peut-être ceux-ci participeront à l’atteinte de ses ambitions.
Dans le même ordre d’idée, Carrefour explique vouloir offrir plus de transparence et diminuer le gaspillage alimentaire de ses magasins. A l’avenir, par exemple, les clients pourraient apporter leurs propres contenant, de sorte que la viande et d’autres produits ne nécessitent plus d’emballage.
Digital : 800 points de retrait et de dépôt potentiels
La digitalisation est un autre pilier du plan de transformation de Carrefour. De plus en plus de clients sautent dans le train digital et Carrefour en a la preuve, puisque plus de 100.000 personnes ont téléchargé son app. Et la marge de croissance est encore importante, en matière d’e-commerce notamment.
Dans ce cadre, Carrefour entend faire de ses points de vente, même ceux de proximité comme les formules Express, également des points de retrait. A ce jour, le retailer dispose de 200 points de retrait, mais voit dans son réseau bien plus d’opportunité de croissance. « Tous les produits que vous trouvez sur notre site, même les produits non-alimentaires, pourront être retirés dans votre magasin de proximité » explique Geoffroy Gersdorff. « 800 points de vente, c’est 800 points de retrait et de dépôt potentiels ! Ce que personne n’a en Belgique, et certainement pas les ‘pure players’ » précise encore Geoffroy Gersdorff au Soir.
En plus de son propre service, Carrefour veut davantage impliquer le consommateur dans la livraison des courses. « En Roumanie, nous observons que les consommateurs se rendent service en livrant les courses à d’autres. C’est très populaire là-bas. Et nous voulons l’introduire ici. Le retailer qui laisse le client faire ses achats de la manière la plus simple - tant online qu’offline - et où tout s’enchaîne naturellement gagnera » indique Geoffroy Gersdorff à De Standaard. Pour rappel, Carrefour travaille déjà avec des livreurs particuliers via le service bringr.
Personnel plus polyvalent
Aujourd’hui, les employés de Carrefour ont un domaine d’expertise précis. D’ici 2021, le retailer souhaite que ceux-ci reçoivent deux tâches. Un caissier pourrait ainsi venir en renfort au rayon textile. « L'idée est de maîtriser une deuxième tâche aussi bien qu'une tâche principale. De cette façon, vous pouvez déployer votre personnel de manière optimale et augmenter ses chances futures. Supposons que dans un délai de cinq ans, tout le monde scanne et paie avec son smartphone, vous n'auriez plus besoin de caissiers » explique Hilde Decadt.
« Nous ne voulons pas une polyactivité comme chez certains de nos concurrents. Parce que le service au client, la productivité, la connaissance même du métier sont essentielles » précise Geoffroy Gersdorff au Soir. « On ne va pas demander à un vendeur de téléphones de faire du traiteur. Ça n’a aucun sens commercialement parlant. On est bien dans une polyactivité maîtrisée, avec une tâche principale et une tâche secondaire. C’est une agilité dans l’organisation. Il faut aussi que nous soyons plus simples dans notre mode de fonctionnement. On gère beaucoup trop par exceptions. Nous devons standardiser. La simplification de notre organisation du travail est importante pour pouvoir baisser nos coûts de distribution qui sont trop élevés aujourd’hui. Et pour pouvoir réinvestir dans les leviers du commerce de demain, comme le digital ».
Mais pour que le personnel accomplisse une tâche supplémentaire, faut-il encore lui donner quelque chose en retour. Selon Hilde Decadt, cela pourrait passer par des contrats horaires plus importants, mais cela doit encore être discuté avec les partenaires sociaux. Dans un premier temps, la polyvalence sera réalisée sur base volontaire, puis étendue.
Limiter l’impact social
Concernant la consultation avec les syndicats, Geoffroy Gersdorff et Hilde Decadt sont clairs: « Nous mettons tout en place pour limiter un maximum l’impact social. » Parmi, les propositions faites, on évoque le départ en pension anticipée à 56 ans. Mais jusque-là cette mesure ne fait pas l’unanimité, et seul le temps nous dira ce qui a pu être ou non mis en place.