Conçue pour apporter plus d’équité dans le secteur agroalimentaire, la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales « ne prévoit qu'une protection des fournisseurs, mais aucune pour les acheteurs », dénonce EuroCommerce, l’association représentant la distribution européenne.

Approuvée en 2019 par le Parlement et le Conseil européen, la directive sur les pratiques commerciales déloyales au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire entend protéger davantage les agriculteurs, ainsi que les petits et moyens fournisseurs, face aux abus des grands industriels et des distributeurs. La plupart des États membres l'ont déjà transposée dans leurs législations nationales respectives, et les autres semblent en passe de le faire prochainement. La directive contient notamment une liste de pratiques interdites entre les acheteurs et les fournisseurs, ainsi que des règles minimales sur le contrôle. Une fois la loi en vigueur, toute une série de pratiques commerciales jugées déloyales se retrouveront donc sur liste noire : les retards de paiement et les annulations à la dernière minute de commandes concernant des produits alimentaires périssables, les modifications unilatérales ou rétroactives des contrats, le fait d'obliger le fournisseur à payer pour des denrées gaspillées, le refus de signer des contrats écrits, etc. Les agriculteurs tout comme les petits et moyens fournisseurs pourront dès lors porter plainte contre les acheteurs qui se livrent à de telles pratiques. De plus, la directive garantit la confidentialité afin d’empêcher toutes représailles.

En Belgique, le Conseil des ministres a approuvé en juin dernier la transposition de la directive. « Les pratiques déloyales ne sont pas rares dans le secteur alimentaire. Avec ce projet de loi, nous rééquilibrons les rapports de force entre les différents acteurs du secteur agro-alimentaire », avait commenté à l’époque le ministre fédéral de l'Économie Pierre-Yves Dermagne. Le ministre fédéral en charge de l'Agriculture David Clarinval avait pour sa part estimé que « cette réforme législative majeure est un grand pas vers plus d'équité et de loyauté dans les transactions commerciales entre fournisseurs et acheteurs de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire. »

« Certain États membres protègent de grands fournisseurs »

Directement concernée par cette directive, l’association représentant la distribution européenne EuroCommerce a réagi cette semaine par l’entremise de son directeur général sortant, Christian Verschueren, suite à la publication d’un rapport de la Commission sur le sujet. L’homme a notamment souligné que « la directive laissait aux autorités nationales une grande marge de manœuvre dans la façon dont elles mettaient en œuvre la législation, un certain nombre d'États membres allant bien au-delà des exigences de la directive, avec un risque réel de créer une fragmentation supplémentaire du marché unique et de réglementer des pratiques ayant très peu d'impact sur les agriculteurs. » L’organisation, qui rappelle que « les mesures allant au-delà du minimum prévu par la directive sont compatibles avec celle-ci ‘à condition qu'elles respectent les règles du marché intérieur de l'UE’ », déplore également le fait que « la directive ne prévoit qu'une protection des fournisseurs, mais aucune pour les acheteurs » et « qu’un certain nombre d'États membres ont décidé de protéger de grands fournisseurs disposant d'un pouvoir de marché considérable. »

C’est pourquoi EuroCommerce demande à la Commission de « se pencher sur les États membres qui ont utilisé ce système pour inclure des mesures qui sont directement incompatibles avec les règles du marché unique (…) de mesurer si ces mesures profitent aux agriculteurs (…) et de reconsidérer d'urgence sa décision d'exclure les acheteurs du nouvel exercice de retour d'information qu'elle est en train de mener. »