Reportage Dans les coulisses logistiques des fêtes, chez Delhaize
Gondola
On ne vous apprendra rien : si tout le monde dans le métier s'emploie en magasin à remplir les rayons et multiplier les tentations en cette fin de mois de décembre, les grandes manœuvres des fêtes, si importantes pour le chiffre d'affaires annuel, se déclenchent déjà en amont, dans les centres logistiques des distributeurs, qui tournent à pleine capacité. Delhaize nous avait invité à visiter ce 19 décembre son entrepôt DC Fresh de Asse. Nous vous en avons rapporté quelques images.
Les entrepôts DC Fresh de Delhaize forment un outil essentiel du parcours logistique de l'enseigne. C'est à partir d'eux que tous les magasins Delhaize sont approvisionnés en fruits, légumes, viandes, poisson, produits laitiers. La plupart de ces produits frais imposent de réfrigérer le centre de distribution à 2 °C. Autant dire qu'on y travaille bien emmitouflé ! Mais l'autre grande caractéristique de ces entrepôts, c'est leur mode de fonctionnement semi-automatique, qui fit de Delhaize un vrai pionnier technologique à l'ouverture de la tranche DC Fresh II, en 2009, suivie quelques années plus tard par DC Fresh III. Alors que DC Fresh I était encore un entrepôt utilisant une méthode de picking traditionnel (le personnel est guidé vocalement sur son Clark vers les produits), DC Fresh 2 et 3 fonctionnent suivant un système semi-automatisé où les produits viennent à l'opérateur sur son poste de préparation des commandes.
Notre hôte du jour, c'est Sébastien Bataille. Il a rejoint Delhaize voici un an, poursuivant une carrière toujours centrée sur la supply chain, notamment chez Barry Callebaut. C’est donc lui qui règne sur ces 52.000 m2 d’entrepôts dédiés au frais et ses 180 quais d’embarquement et débarquement, lui aussi qui doit veiller à leur bon fonctionnement, assisté par 3 operations managers, soit un par shift. Parce que entre les équipes du matin, celles de l’après-midi et celles de la nuit, DC Fresh ne dort jamais ou presque : l’outil tourne 24 heures sur 24 et 6 jours sur 7.
37% de volume en plus
Ressent-on une particulière frénésie, en cette période de haute intensité commerciale ? Pour être exact, pas vraiment : les procédures et les flux de marchandises sont ici réglés comme du papier à musique, et tout le monde semble parfaitement serein et concentré sur sa tâche. “C’est pourtant la semaine la plus intense de l’année,” nous confirme Sébastien Bataille en nous révélant un chiffre précis. DC Fresh va sortir cette semaine un volume de 37% supérieur à la normale. Ce qui forme déjà un indice sur l’importance des fêtes pour le résultat des magasins, et encore ne parle-t-on ici qu’en volume de livraisons. Pendant les fêtes, on n’achète pas seulement davantage, on achète aussi des produits plus exclusifs et plus coûteux… Pour gérer cet afflux de marchandise, DC Fresh mobilise 750 collaborateurs “au sol”, autrement dit pour toute la manutention, sans compter toutes les fonctions de support qui se chargent de planifier les missions ou gérer l’outil en bureaux. Parmi ce contingent réparti en trois shifts, on compte aussi des intérimaires et des étudiants, compte tenu du pic de travail que la période représente.
Quant au processus, seul un oeil exercé pourra détecter qu’une petite partie du volume de marchandises à traiter a été replacé dans un circuit de picking traditionnel, histoire de soulager la charge de travail des machines qui alimentent la ligne de travail semi-automatique. Mais pour le reste, DC Fresh tourne exactement comme à l’accoutumée : vite et efficacement. On parle volontiers d’entrepôt, mais la vérité de la distribution contemporaine, c’est qu’elle ne stocke pas grand’chose et pas longtemps dans ses centres logistiques. La logique de rentabilité, celle de l’efficacité, et celle de l’optimisation des DLC veut qu’une palette arrivée sur un quai de chez un fournisseur ne tardera pas à être traitée et triée pour repartir le jour même vers le réseau commercial.
Tout ici est bien entendu identifié par un barcode : les palettes entrantes, chaque bac qu’elles supportent, les “dollies” sur lesquelles vont être assemblées les bacs où vont aboutir les produits correspondant aux commandes de chaque magasin, la palette destinée à partir… Tout n’est pourtant pas identique dans le traitement de ces marchandises fraîches. Parfois, DC Fresh va ne préparer que des palettes complètes, parfois il s’agira de quantités plus faibles, des bacs qui vont être enlevés dans un camion où figure déjà le reste de la commande d’un magasin, préparé dans un autre centre logistique, comme celui que Delhaize exploite à Ninove pour les liquides et les produits ambiants.
Ce qui ne change pas, en revanche, c’est le fascinant ballet des caisses qui arrivent de chez les fournisseurs, suivent automatiquement les lignes qui les font monter, suivre tout un parcours les menant à l’endroit où la grue transtockeuse automatique vient les prélever, et les déposer exactement à l’endroit approprié. C’est elle qui vient charger ces marchandises dans les rayonnages où travaillent les opérateurs des postes semi-automatisés. Leur rôle ? Il est décrit pas à pas par l’écran qui leur fait face : la caisse qui leur parvient, il vont y ajouter les articles que le logiciel réclame, pour respecter la commande du magasin. Ils n’ont pas à parcourir tous les couloirs à la recherche des bonnes références : toutes celles qui doivent être ajoutées se trouvent dans leur environnement. En revanche, ces mêmes opérateurs ne sont pas liés de façon rigide à un poste précis : en fonction des commandes à traiter ensuite, le poste de travail pourra les inviter à se déplacer vers un autre poste de travail.
Si la procédure forme une routine pour le personnel de l’entrepôt, il y a pourtant des collaborateurs pour qui l’expérience est plus exceptionnelle. C’est le cas de deux personnes que nous croisons lors de la visite. La fonction habituelle de Katrien De Padt est Safety Manager logistic & winery. Quant à Marlot Memel, elle travaille aux ressources humaines dans le cadre d’un programme de stage international de longue durée au sein du groupe Ahold Delhaize. Mais aujourd’hui, elles mettent la main à la pâte pour aider les collègues de la supply chain. Institutionnalisé chez Delhaize, ce principe des “helping hands” qui quittent leur bureau pour prêter main forte au terrain concerne tout le monde. “Notre CEO Xavier Piesvaux le fait lui-même deux fois par an. Il vient d’ailleurs travailler avec nous ce week-end.”
Peu à peu, les caisses se remplissent, elles s’empilent sur les palettes, qui sont automatiquement filmées avant de rejoindre le quai d’embarquement et leur magasin de destination. Là aussi, il y a un surcroît d’activité pour le charroi. “Il faut compter 15% de transport en plus. Même si on se charge d’optimaliser encore chaque transport. En temps normal, nos camions sont déjà remplis à 80%. Là, on est proche des 100%.” Sébastien Bataille semble particulièrement serein : tous les magasins seront bien livrés, grâce aux travail mené ici. Les seules inconnues ne sont pas de son ressort : comme tous les responsables de supply chain du secteur, il surveille la météo, en espérant qu’on n’annonce aucune tempête de neige…