La chaîne de supermarchés allemande Penny a lancé une expérience intéressante: elle affiche depuis le début de ce mois le véritable prix des produits alimentaires, en ajoutant, à côté du prix de vente, les coûts pour l'environnement et le climat. Ce calcul devrait rendre plus chers des produits tels que la viande (188%), les pommes (12%) et le fromage (88%). Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola, explique pourquoi l'alimentation sera plus coûteuse à l'avenir.

"C'est un secret de polichinelle que le prix réel des produits alimentaires est supérieur à celui que déboursent les consommateurs", affirme Pierre-Alexandre Billiet. "Simplement, personne n'avait jusqu'ici osé communiquer sur le sujet. La question est de savoir pourquoi l'alimentation est devenue si bon marché. L'industrialisation a substitué à l'engagement d'un producteur agricole celui d'entreprises ou coopératives qui endossent son rôle, et travaillent avec une qualité moyenne. Ce qui nivelle le standard vers le bas, l'accent n'étant plus mis sur la livraison de produits de top qualité, une évolution façonnée par le refus du consommateur de payer pour cet effort supplémentaire. Il se satisfait de produits à bas prix dont il ne connaît souvent pas la composition."

Plus jamais de prix bas

"Les prix bas de l'alimentaire ont un énorme avantage: ils ont permis de nourrir les populations européennes. L'inconvénient est que ce consommateur, une fois habitué aux prix bas, affecte son pouvoir d'achat à d'autres dépenses, comme les voyages. Un retour aux prix plus élevés et à une qualité supérieure n'en paraît que plus difficile, à moins d'un glissement de politique important, et celui-ci est en cours. Il y a d'abord l'annonce de la Commission européenne qui entend réduire de moitié l'empreinte carbone en l'espace de 10 ans. L'alimentation bon marché est par excellence celle qui parcourt la moitié de la planète avant d'aboutir en rayons. Ces règles environnementales plus strictes se répercuteront sur une bonne part des produits."

Le prix d'un alimentation insuffisamment saine

"Ensuite, la crise actuelle entraîne un glissement du pouvoir d'achat : les gens sont devenus conscients que l'alimentation de qualité a un prix, et que nous la produisons en Belgique. Il y a aussi les coûts collectifs: la première cause de mortalité en Europe est liée aux maladies cardio-vasculaires, souvent associées à de mauvaises habitudes alimentaires.  Mais les conséquences de pratiques individuelles inaproppriées sont payées par la communauté, la sécurité sociale. Une pression considérable s'exerce sur le budget fédéral, ce qui risque de pousser à responsabiliser ses comportements alimentaires individuels afin de soulager les dépenses de santé. Enfin, il y a encore le budget européen: l'agriculture y sera moins subsidiée, ce qui fera grimper les prix alimentaires. Les producteurs agricoles devront se passer d'une part de subsides, et ne pourront éviter de répercuter une partie de leurs coûts sur le prix consommateur."