Interview Richard Kylberg: les coulisses de la métamorphose de Tesco
Il y a deux ans, la chaîne britannique d’hypermarchés Tesco constatait la perte d’attractivité de ses magasins. Elle s’est adressée à l’agence de design suédoise Blink qui a rapidement réussi à lui donner un visage plus sympathique. Invité au Gondola Day le 31 mai prochain, Richard Kylberg, fondateur de Blink, nous en dit un peu plus sur le pourquoi et le comment de cette transformation.
Dans un hypermarché Tesco tout est grand : le bâtiment, la superficie, l’offre. Des atouts, certes, mais toute médaille a son revers. « Les consommateurs trouvaient le magasin froid et peu accueillant » explique Richard Kylberg, de l’agence suédoise Blink qui, en collaboration avec l’équipe de design de Tesco et l’agence de design et de branding Wolff Olins, a imaginé le nouveau concept Tesco Extra Food. « Lorsque Tesco est venu nous trouver il y a deux ans, sa popularité avait chuté : la chaîne était descendue de la deuxième à la sixième place. Il était donc temps d’inverser la tendance car trop de clients ne voyaient plus les nombreux atouts du supermarché. L’offre alimentaire, par exemple, ne les attirait plus. Il fallait agir. »
Qu’avez-vous fait ?
C’est surtout la présentation de l’offre alimentaire qui posait problème. Tout cela manquait de vie et de théâtralisation. Mais par ailleurs, les difficultés rencontrées par Tesco étaient également liées au changement de comportement du consommateur qui préfère désormais faire en ligne ses achats les plus courants. Pensez au lait ou au papier toilette. Pour ces produits peu glamour, la solution Click & Collect facilite les choses : on retire en magasin la commande passée via internet, ce qui laisse davantage de temps pour effectuer ses achats de produits de frais. Ce changement radical nous a incités à revoir l’agencement des rayons et du magasin dans son ensemble.
Comment rendre la nourriture attractive ?
Nous nous sommes interrogés sur le type d’aliments qui pouvaient faire appel à l’imaginaire et sur une présentation capable de titiller les sens. La théâtralisation – en l’occurrence cuisiner devant les clients au moment où ils font leurs courses – est un excellent moyen de les inspirer. Vous pouvez même stimuler leur imagination avec de produits à première vue peu inspirants, comme des oranges ou des pommes de terre. A l’heure des repas – petit-déjeuner et déjeuner – le personnel du magasin prépare, devant les clients, toutes sortes de produits : sandwiches, pizzas, pâtisseries et bien d’autres choses encore. Nous pouvons facilement switcher d’un plat à un autre selon l’affluence du moment. C’est la clé de notre approche : il est impossible de digitaliser la bonne odeur du pain frais ! Pour autant, cela ne signifie pas qu’il soit impossible de vendre des produits frais via internet. Faut-il vraiment se rendre dans un magasin pour acheter des pommes alors que vous pouvez très bien vous les faire livrer à domicile ? Je pense que non.
Votre intervention a-t-elle été payante ?
Je ne suis pas autorisé à dévoiler de chiffres à ce sujet, car Tesco est coté en bourse. Mais les résultats sont positifs. Nous ne nous sommes pas contentés de modifier la présentation de l’offre, nous avons également remanié la communication. L’idée est de faire comprendre que ce qui est grand peut aussi être sympathique. C’est la recette magique que nous avons proposé. Par ailleurs, en établissant plusieurs trajets possibles à l’intérieur du magasin, nous l’avons rendu plus agréable et plus ‘petit’. Un client qui n’a besoin que d’un pain n’est plus obligé de le traverser de part en part.
Une dernière question en forme de conclusion : quel avenir prédisez-vous au retail ?
L’apparition de l’intelligence artificielle, l’utilisation de big data et d’algorithmes pour prendre des décisions commerciales vont influer sur le devenir du retail. Tous les ‘points de contact’ avec le client doivent être optimisés pour fournir des données de haute qualité. Le retail de demain pourrait donc bien devenir une expérience hyper-personnalisée. Mais les clients ne donneront pas leurs données gratuitement. Les retailers devront offrir quelque chose de valeur en échange. Ce sera la clé du succès…