On attendait cette échéance avec impatience depuis des mois, et la révélation du concept et de la stratégie qui l'accompagne n'ont pas décu. Le point de vente de Diegem inauguré ce matin (il sera ouvert au public dès demain) tient toutes les promesses qu'avaient déjà pu laisser deviner les intentions annoncées du hard discounter de reprofiler l'expérience de shopping et de mieux mettre en valeur le frais, sans toutefois renoncer à son ADN de hard discounter. Mais la conférence de presse de l'enseigne, une grande première pour une entreprise autrefois muette, a permis de prendre la vraie mesure de l'événement.
Un roll-out mené tambour battant
Et c'est peu dire que le rythme défini pour le déploiement impressionne. Dès avril, une série de magasins, tels que Geel, Courcelles, Zottegem ou Maldegem, vont être mis aux normes du nouveau concept, donnant le coup d'envoi d'un roll-out au rythme effréné, du jamais vu en Belgique. Jugez plutôt: 167 magasins dans les 12 mois à venir, 141 autres équipés d'ici à 18 mois, et la quasi-totalité du parc (450 magasins) fins prêts à la fin 2019. C'est une offensive-éclair, qui verra jusqu'à 7 filiales simultanément transformées chaque semaine. Le tout réglé de façon ultra-précise: la conversion imposera 6 jours d'inactivité commerciale, puisque les travaux commenceront après la fermeture du samedi soir, et se termineront avant l'ouverture matinale du samedi suivant. Seuls une quarantaine de projets immobiliers de transformation lourde (ou remplacement) de magasins existants subiront une mue plus lente, pour d'évidentes raisons.
Le tout correspond à un investissement de 350 millions d'euros, le plus important jamais consenti par l'enseigne en Belgique, confirme Wim Voet, Managing Director Operations de Aldi Holding. Ce montant ne tient pas compte d'autres investissements dans les infrastructures logistiques, telles que le nouveau dépôt de Turnhout. Mais il intègre, outre les coûts de conversion des magasins, un important volet recrutement et formation.
Quel impact sur le marché?
L'accent nouveau porté sur l'assortiment frais a notoirement accru l'importance d'un contrôle de qualité en magasin, en plus de celui opéré en centrale, et il faut veiller à ce que le personnel dispose du bagage suffisant pour l'assurer. La formation des équipes débute 8 jours avant la réouverture du magasin transformé. Côté recrutement, Aldi évoque 450 nouveaux jobs créés dans les deux ans à venir. Un chiffre qu'on rapproche aussitôt des 450 magasins du parc: on en déduit donc que le nouveau concept va se traduire par un "headcount" supplémentaire d'une personne par magasin, et c'est effectivement le cas. Est-ce pour absorber l'effort que représente le nouveau concept sur le frais? Partiellement oui.
Mais c'est aussi et sans doute surtout pour gérer le chiffre d'affaires accru attendu de cet alignement massif au nouveau concept, une croissance sur laquelle Wim Voet se montre plus que confiant, fort des tests préalables menés depuis juin 2016: "Les investissements sont là, et la confiance aussi. On a fait et refait nos calculs." Et c'est bien entendu là que cette mue d'Aldi en Belgique prend la dimension d'un événement majeur: 450 magasins transfigurés en deux ans, c'est à la fois un sacré coup de fouet pour le chiffre d'affaires et la part de marché de l'enseigne, et une menace directe pour la concurrence.
En présentant leur concept, les équipes belges d'Aldi revendiquent toujours fermement leur appartenance au Hard Discount, contrairement aux rivaux de Lidl, qui parlent de "smart discount". Peu importe le vocabulaire: la réalité, c'est qu'en matière d'expérience shopping, tout le hard discount a désormais tourné la page. Les fondamentaux restent: présentation en shelf ready packaging ou sur palettes, et 95% de l'assortiment (1250 références, dont 1/4 de frais) composé de produits private labels. Seules 40 marques et 50 à 55 références "stars" de marques nationales viennent satisfaire le client qui n'a plus à aller les chercher en Open Market. Mais les points de vente du nouveau concept Aldi, tout comme ceux de Lidl auparavant, offrent désormais de l'espace à foison, un éclairage soigné, une ambiance et un environnement esthétique bien plus favorables. Paradoxalement, c'est désormais Colruyt qui maintient le plus visiblement les codes spartiates du discount en point de vente.
Les cartes du marché rebattues
L'évolution d'Aldi était annoncée, elle était aussi attendue et sans doute anticipée par ses rivaux. C'est le rythme de la cadence qui forme la principale surprise. Et qui donne probablement le coup d'envoi à une formidable bagarre, entre des distributeurs, discounters ou non, dont les formules restent distinctes, mais dont les différences perçues en magasin tendent à s'estomper. Tous les distributeurs, et toutes les marques nationales ont toujours redoublé d'efforts pour maintenir une différenciation par rapport au HD. Quand celui-ci revoit sa copie, la mission se complique...