Il est désormais acquis que le Royaume-Uni quittera l’Union européenne. Quel sera l’impact du Brexit sur les secteurs du retail et des fmcg et le marché de la consommation en Belgique? A court terme, il ne devrait pas porter préjudice au secteur du retail qui dépend principalement de la consommation locale. Le secteur alimentaire par contre devrait très vite en ressentir l’impact.
« A court terme, l’impact du climat actuel aura davantage d’influence sur le retail que ne l’aura le Brexit », explique Pierre-Alexandre Billiet (CEO Gondola Group). Selon Dominique Michel (CEO Comeos), le Brexit aura un impact négatif à moyen terme car le Royaume-Uni fait souffler un vent libéral sur une économie européenne régulée et interventionniste. « Avec la disparition de l’Angleterre de l’Union européenne, nous risquons un excès de régularisation et un manque de libéralisme, ce qui pourrait être préjudiciable au secteur du retail. Sur le long terme, l’inflation pourrait chuter de 1 à 3 points de pourcentage, ce qui serait suivi par une déflation ». Le dernier rapport de Bofa Mi montre que le Brexit suivi d’une déflation est l’une des plus grande crainte du top 200 des CEO américains.
Opportunités
Le marché intérieur de l’Union européenne est encore loin d’être consolidé. Certainement en matière de taxe, digitalisation et e-commerce. Les Britannique n’ont jamais contribué à une consolidation du marché interne européen. Peut-être le Brexit pourra-t-il changer la donne.
Produits agricoles de base et produits non-transformés
La dévaluation de la monnaie anglaise mènera à une baisse du pouvoir d’achat. Le Royaume-Uni ne dispose que d’un taux de 62% de couverture. Le reste devant être importé. L’impact pourrait s’avérer grand pour les produits de base dans l’industrie alimentaire belge, l’élasticité au prix de ces produits étant faible.
Les marges étroites que connaissent les éleveurs et maraichers ne leur permettent pas d’ajuster temporairement leurs prix de façon flexible. Et d’autres pays membres européens se précipiteront pour exporter au Royaume-Uni. L’impact du Brexit sur les produits de consommation primaires, non transformés, pourrait se traduire de façon assez rapide.
La confiance des consommateurs non-affectée à court terme
A court terme, la confiance des consommateurs belges ne devrait pas être affectée par le Brexit. le pouvoir d’achat ne devrait pas non plus souffrir d’une crise de panique.
Consolidation dans le retail belge
Le retail belge est à l’aube d’une vague de consolidation ayant déjà lieu dans les pays voisins. Les fusions et acquisitions sont bien souvent motivé par des acteurs internationaux basés à Londres.
Cette stratégie de consolidation dans le retail est très dépendante du marché et les acteurs financiers sont ici un mal nécessaire.
Selon Pierre-Alexandre Billiet, il ne faut pas s’attendre à ce que les organisations de private equity et venture capital se cantonnent à leur île. Les opérateurs financiers, du Royaume-Uni ou d’ailleurs - continueront à chercher des opportunités.
E-commerce en Belgique
La compétitivité de la Belgique en matière d’e-commerce s’est développée ces 2 dernières années, bien que nous revenions de loin. L’impact du Brexit sur l’e-commerce pourrait toucher le back office. La plupart des (petits) webshops belges sont peu actifs à l’étranger.
L’impact direct du Brexit sur l’e-commerce rejoint celui qu’il aura sur le retail en général. La consommation nationale sera indirectement affectée à moyen terme.
Le secteur alimentaire est inquiet, mais pas en panique
L’Angleterre est le quatrième plus grand pays d’exportation pour l’industrie alimentaire Belge, juste après la France, les Pays-Bas et l’Allemagne. Les exportations vers la Grande-Bretagne représentent 2,2 milliards d’euros. « Ce qui est dommage » déclare Chris Moris (Fevia), « c’est que la part de nos exportations vers le Royaume-Uni est en croissance. Les exportations de produits alimentaires vers le Royaume-Uni ont en effet augmenté de 26% depuis 2011. Celles-ci sont ainsi passées d’une valeur de 1,7 milliard d’euros à 2,2 milliards d’euros (+ 13% en 2013, + 5% en 2014, + 0% en 2015 et 6% en 2016) ».
Les principaux produits d’exportation vers le Royaume-Uni sont des fruits et légumes préparés (par ex. des produits à base de pommes de terre comme les frites ou les croquettes). Nous en exportons près de la moitié d’un milliard. Ce type d’exportation ne disparaitra pas suite au Brexit, mais sera toutefois impacté puisque la livre sterling va se déprécier, rendant dès lors les produits belges plus coûteux pour les entreprises anglaises. Et la conséquence immédiate sera une baisse des exportations belges en raison de cette variation de change.
Protectionnisme
« L’industrie alimentaire belge est préoccupée par le cloisonnement des marchés. Avoir peur et se replier sur soi-même n’est jamais positif pour l’économie » explique Chris Moris. « Le Brexit est une forme de protectionnisme. Tous les pays européens tentent quelque part de protéger leur pouvoir et la question est de savoir quel nouvel équilibre le marché anglais de la consommation trouvera: un équilibre entre l’importation économique et le protectionnisme national. L’importation des produits étrangers devrait certainement ralentir, mais notre plus grande préoccupation chez Fevia, c’est que le phénomène ne s’étende à d’autres états membres, ce qui aurait des conséquences néfastes pour un petit pays exportateur comme la Belgique ».
En France, il existe aujourd’hui un projet de loi pour imposer l’indication de l’origine des produits sur l’emballage. La Commission européenne doit prendre une décision le 5 juillet prochain quant à celui-ci. Sans opposition de la part de la Commission, la proposition sera acceptée de facto. Le Royaume-Uni a son Red Factor (label britannique). En France encore, McDonald’s ne sert des produits à base de pommes de terre que d’origine française. Le Brexit offre de l’espace aux Etats membres pour verrouiller le marché et cela ouvre in fine un grand débat.
International vs. local
L’industrie alimentaire est le quatrième secteur d’exportation de la Belgique, qui affiche une balance commerciale positive de 3,8 milliards d’euros, l’industrie alimentaire représentant 10,1% du total des marchandises exportées.
Chris Moris (Fevia): « Mais il faut également être très prudent à l’échelle nationale. Il ne semble pas du tout judicieux d’introduire des taxes supplémentaires dans le climat actuel. Nous ne devons pas penser en ‘silos”, et accumuler des taxes spécifiques dans des domaines séparés. Car l’accumulation de taxes nationales cumulée à une baisse des exportations internationales se révélera catastrophique! »
Pour terminer sur une note positive: tous les experts, tant en retail qu’en FMCG, s’accordent à dire que le Brexit pourrait signifier un renforcement potentiel des autres pays membres. C’est l’occasion de créer une Union européenne forte avec les pays qui restent », conclut Pierre-Alexandre Billiet.