Brouillage des frontières dans les secteurs Garden et DIY : quel impact sur l’offre produit ?
La récente annonce de la restructuration chez Makro et la volonté de l’enseigne de se recentrer sur certains segments (“Fête” et “DIY”) au détriment de l’assortiment très large proposé depuis tant d’années ont fait partie des points abordés lors du CEO Breakfast organisé par Gondola le 22 juin dernier. Nous vous proposons ici le résumé exécutif de cette session placée sous le thème de l’avenir de la distribution du DIY et des articles de jardinage, chapeautée par la division Homing Experience.
Ampleur de l’assortiment
Chris Van Wesemael, Directeur de la division Homing, a demandé au panel si la conjoncture actuelle, marquée par une concurrence de plus en plus vive de la part de l’e-commerce notamment, devait inciter les retailers à élargir leur assortiment ou, au contraire, à se spécialiser. Ou, pour reprendre les termes de Marc Hoogenberg, expert DIY chez PwC Strategy&, “à réduire l’assortiment de moitié”.
Luk Nuytten, secrétaire de l’Association Belge des Jardineries (ABJ), trouve l’argument tout à fait valable mais insiste également sur l’importance d’investir dans le personnel et les compétences.
Piet De Langhe (responsable sectoriel chez Comeos) émet une mise en garde : “À force de sabrer dans l’assortiment, les magasins de bricolage risquent de perdre leur identité.”
Il est évident que les secteurs du ‘bricolage’ et du ‘jardinage’ ont fortement changé par rapport à il y a vingt ans. Le DIY nouvelle génération est beaucoup plus axé sur les travaux de décoration, alors que le jardinage se réduit souvent à l’entretien d’un ‘potager en carré’. Le hic, c’est que les assortiments n’ont pas toujours évolué en conséquence.
“Pourquoi Makro investit-elle aujourd’hui dans le DIY?”, interroge Dieter Struye, CEO de Brico et de Brico Plan-It. “Parce que ce segment lui offre, à son échelle, des marges intéressantes. Et c’est vrai que nous sommes plutôt gâtés en la matière”, ajoute-t-il en repensant à son expérience dans le secteur FMCG. “Le DIY repose bien entendu sur un modèle économique différent, et ces marges sont nécessaires.” Il fait ici allusion aux taux de rotation et de productivité qui sont beaucoup plus faibles dans le DIY et le jardinage que dans le secteur des biens de grande consommation.
Jan Van Rossem, CEO d’ATD (l’organisation qui regroupe les jardineries et animaleries spécialisées Horta et Belpet), entrevoit une autre raison : “Sur un marché de plus en plus tourné vers le consommateur, les grands acteurs et leurs formules ‘en largeur’ se retrouvent en difficulté faute d’un écart de prix significatif. Le défi pour l’avenir consistera ‘à déterminer la superficie idéale pour chaque formule et à l’exploiter au maximum’. Un magasin de 1 000 m² ne peut pas offrir le même assortiment qu’un point de vente de 10 000 m² et tout l’art consiste à le faire comprendre au consommateur.”
“La Belgique reste malgré tout très conservatrice lorsqu’il en va de l’offre”, affirme Daniel Van Cauteren, CEO du groupe Menouquin. “Dans d’autres pays, il y a belle lurette que l’on trouve aussi des langes et des poudres à lessiver dans les magasins de bricolage. En Belgique, on s’en tient aux principales catégories historiques.” Dieter Struye est cependant d’avis que les acteurs du secteur sont en train d’élargir leur positionnement : “Chaque enseigne doit se demander en quoi consiste son cœur de métier et proposer, à l’intérieur de ce cadre, une offre aussi vaste que possible.”
Bref, les acteurs doivent davantage se différencier. Daniel Van Cauteren approuve : “Que j’aille chez Gamma, Hubo, Brico ou consorts, je trouve les mêmes produits et les mêmes marques à des prix sensiblement comparables. Si un pot de Levis est proposé à -25 % chez Hubo, c’est là que je vais l’acheter.”
Rudi Petit-Jean, directeur de Gamma Belgique, répond avec malice que “Daniel ne fait dans ce cas-là pas le bon choix”. Et d’ajouter : “Le positionnement constitue un réel défi. Faut-il proposer plus d’articles en faisant le pari de la confiance ? Si le consommateur achète sur base de la confiance, on pourrait tout aussi bien lui proposer des machines à laver. Nous trouvons cela bizarre mais, aux États-Unis, c’est tout à fait normal. Prenez l’exemple des meubles de jardin : s’agit-encore de bricolage ? Et pourtant, toutes les chaînes en vendent.”
On assiste en tout cas à une remise en question des enseignes, ce dont on ne peut que se réjouir. Les bons choix stratégiques ne sont toutefois pas encore clairs.
La table ronde très ouverte du 22 juin a certainement donné matière à réflexion à tous les participants pour le futur proche. Gondola Homing Experience soutient le marché en lui prodiguant des insights venant de Belgique et d’ailleurs. Le compte rendu détaillé du débat, qui a abordé quantité d’autres thèmes tels que la logistique, l’e-commerce, les évolutions possibles du marché, etc., servira de base à la rédaction d’un livre blanc que Gondola publiera prochainement à l’intention des segments DIY et Garden. Nous y présenterons également des pistes de solution.