Zalando a choisi de s’établir aux Pays-Bas plutôt qu’en Belgique parce qu’il y est possible d’y employer des travailleurs détachés polonais. C’est ce qu’a affirmé Thierry Bodson, le secrétaire général de la FGTB, hier à la RTBF. Il apparaît que cette pratique est de plus en plus répandue dans les centres de logistique e-commerce aux Pays-Bas et qu’elle fait tache d’huile.
Dans un entretien avec la RTBF, Thierry Bodson dit que la vraie raison du choix de Zalando est l'écart salarial... avec les travailleurs polonais. « Ce qui se passe, c'est qu'il y a une mécanique qui va être mise en place pour permettre d'avoir recours à des travailleurs détachés qui viendront de Pologne pour travailler aux Pays-Bas. Et cela, ça déstructure l'ensemble dossier », affirme-t-il.
Selon lui, il n'y a pas d'écart de rémunération entre la Wallonie et les Pays-Bas. « En tenant compte des différents soutiens au niveau fédéral et régional, on est à une différence de 1000 euros par an, à l'avantage de la Belgique », dit-il. Mais s’il s’agit de travailleurs détachés la comparaison ne vaut plus. « On compare alors des travailleurs belges non pas à des travailleurs hollandais, mais polonais. Je n'ai aucun problème à avoir une discussion sur l'e-commerce et la nécessité de flexibilité, mais dans ce dossier-ci, on compare des pommes et des poires », dit-il.
De plus en plus répandu
Le phénomène est longtemps resté sous le radar. Il trouve son origine dans une forte pénurie de personnel dans les ‘hotspots’ logistiques néerlandais. On savait déjà que pendant les pointes de demande, comme les fêtes de fin d’année, les centres d’e-fulfilment néerlandais embauchent massivement des intérimaires de plusieurs pays d’Europe de l’Est. Aujourd’hui, il apparaît qu’ils y sont utilisés - souvent avec des contrats temporaires ou intérimaires - en dehors des périodes de pointe également. Non seulement dans des centres logistiques pour l’e-commerce, mais également dans des centres de distribution de supermarchés.
Selon Michel Mathy, directeur de la FGTB Wallonne, les bureaux d’intérim polonais sont de plus en plus nombreux aux Pays-Bas pour alimenter les centres logistiques en travailleurs détachés. « Les Polonais sont très fort demandés. Chez Action, par exemple, une récente offre d’emploi spécifiait que le candidat devait parler néerlandais, polonais ou anglais », dit-il.
A l’appel
Dans les milieux syndicaux néerlandais, on ne manque pas de préciser que très souvent, ces intérimaires détachés travaillent ‘à l’appel’ : leurs heures sont irrégulières et ils reçoivent leurs ordres de travail quelques heures seulement avant de commencer. Le Groene Amsterdammer vient d’ailleurs de publier un reportage sur le conditions de travail pénibles dans les centres logistiques d’Albert Heijn et Albert Heijn Online.
L’ampleur du phénomène est révélée par les problèmes d’hébergement des milliers de travailleurs détachés. Au point qu’un responsable d’Ingram Micro (ex-Docdata), le prestataire logistique de - entre autres - bol.com, De Bijenkorf et Microsoft, a reconnu le problème dans un article du Brabants Dagblad. Il ne trouve plus la place pour héberger les milliers de Roumains, Bulgares, Espagnols et surtout Polonais travaillant pour l’entreprise.
Jusqu’en Belgique
« Nous savons de source sûre que pendant la période de Noël, des travailleurs polonais (soi-disant détachés) logeaient dans l’ancien centre de récréation Vossemeren à Lommel, en Belgique. Ces travailleurs étaient actifs dans des entreprises logistique en Hollande - entre autres chez Ingram Micro - et étaient transportés matin et soir par des minibus. Mais même aujourd’hui, nous savons qu’une quarantaine de travailleurs polonais y résident pour travailler aux Pays-Bas », dit Frank Moreels, le patron de l’UBT, le syndicat socialistes des travailleurs logistiques.
Selon Moreels, le succès de l’e-commerce aux Pays-Bas peut s’expliquer en partie par cette pratique de dumping social. “Est-ce que nous voulons ce genre de travail dans la logistique en Belgique? Est-ce que c’est ce genre d’emplois que nous voulons attirer? Il faudrait réfléchir et instaurer des règles européennes pour stopper cette course vers le bas. Peut-être que le ministre Decroo devrait interpeller son homologue hollandais sur ce genre de concurrence déloyale”.