Bloom Association tire la sonnette d’alarme. Dans une vaste enquête publiée hier, l’ONG fait état de la présence du mercure dans des quantités ‘supérieures au taux normal’ dans les boîtes de thon des supermarchés européens. Toutefois, c'est l'ONG même qui fixe le taux maximal à 0,3 mg/kg, contre un taux de 1,0 mg/kg fixé par l'UE. 

Un scandale de santé publique, écrit Bloom Association dans son rapport d’enquête. Intitulée ‘Poison dans le poisson’, l’étude démontre qu’une conserve de thon sur deux étudiée par Bloom Association dépasse la limite maximale en mercure, qu'elle-même a définie à 0,3 milligramme par kilogramme de poisson. Mais d'où vient ce taux jugé maximal et auquel l'industrie thonière ne se plie pas ? En partant de la directive européenne, publiée dans le journal officiel de l'UE le 20 avril 2022, la teneur maximale en mercure des différents poissons est fixée à un taux de 1,0 mg/kg pour le thon et d'autres espèces de poissons classifiés comme “grands prédateurs”. D’après les calculs de Bloom Association, une teneur en mercure de 1 mg/kg dans le thon frais initial conduit à une teneur théorique d’environ 2,7 mg/kg dans la conserve, puisqu'en boîte, le thon perd beaucoup d’eau et que le mercure se retrouve alors ainsi 2 à 3 fois plus concentré que le thon frais. Une conclusion que des analyses scientifiques menées en France ces dernières années par l'Ifremer n'ont pas permis de confirmer à ce jour.

Toujours est-il qu'en prélevant aléatoirement 148 conserves de thon dans cinq pays - Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie, Bloom affirme que 100 % des boîtes sont contaminées au mercure. Une affirmation qui est déjà contestable sous cette forme : la notion de “contamination” donne l'impression que toute consommation de thon est dangereuse, même lorsque le produit respecte les normes sanitaires. Tout produit alimentaire, même produit selon des normes sévères, contient des composants pouvant être nuisibles, mais tout est question de concentration, et c'est bien pourquoi il existe des normes. Qu'on peut éventuellement trouver trop laxistes, ce débat est légitime, mais l'idée d'un produit alimentaire, y compris bio, qui soit 100 % pur et dénué de la moindre molécule toxique est une absurdité. La conclusion générale - toutes les boîtes contiennent du mercure - est donc clairement rhétorique : il s'agit de dramatiser, et il est dommage que cette astuce de com’ déforce un peu une enquête qui a pourtant le mérite d'être menée. Ensuite, l'ONG se base sur un taux ‘légal’ de teneur en mercure fixé à 0,3 mg/kg parce que c'est celui qui s'applique dans la réglementation européenne à des variétés de poissons n'appartenant pas à la classe des grands prédateurs. Selon l'enquête de Bloom, une boîte sur trois ne pourrait pas être vendue sur le marché européen car elle dépasserait la concentration autorisée. Mais si l'on s'en tient à la norme fixée par l'UE, c'est seulement une boîte sur dix analysée par l'ONG qui dépasse la teneur définie pour le thon, qui est de 1 mg/kg. En France, l'entreprise Petit Navire a été épinglée par l'ONG puisqu'une boîte de conserve achetée dans un Carrefour City à Paris affiche une teneur record de 3,9 mg/kg. C'est presque 4 fois la teneur maximale du thon frais et 13 fois celle des espèces soumises à la norme restrictive de 0,3 mg/kg. 

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Au total, 5 pays européens ont été sondés. C’est l’Angleterre qui accuse les taux de mercure les plus élevés, et il est depuis le Brexit difficile d'en faire porter la responsabilité à l'Europe.

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Là où le discours de l’ONG est davantage audible, c'est sur la critique d'un norme adaptée en fonction des espèces de poissons, sans se préoccuper de la quantité maximale à ingérer par le consommateur . “La teneur maximale du cabillaud est fixée selon la contamination du cabillaud, la teneur maximale du thon selon la contamination du thon. Le mercure du thon n'est pourtant pas moins toxique que le mercure d’une sardine ou d’un cabillaud. C’est incompréhensible, surtout lorsque l'on sait que le thon est le poisson le plus consommé d'Europe.” Les risques du mercure sont multiples, rappelle Bloom Association. Le mercure est un neurotoxique, dont il est difficile de se débarrasser, mais aussi un immunotoxique et potentiellement cancérogène, ce qui pousse l'ONG à insinuer que l'industrie thonière exercerait un lobby afin de maintenir certains produits sur le marché, malgré leur danger pour la santé publique. “Avoir agi en amont sur les seuils réglementaires permet désormais aux industriels et à la grande distribution de vendre des produits contaminés en toute légalité. Laisser croire aux gens que consommer du thon est sûr d’un point de vue sanitaire est un mensonge.” Enfin, Bloom Association appuie son propos en expliquant que les bénéfices neurologiques supposés des oméga-3 n’annulent pas les dégâts neurologiques causés par le mercure. De plus, ce ne sont pas les mêmes poissons qui apportent des oméga-3 et qui contaminent au méthylmercure. “Les poissons prédateurs sont bien moins riches en oméga-3 que par exemple les sardines, les anchois ou les maquereaux. Ainsi, éviter les poissons contaminés au méthylmercure ne signifierait pas risquer un déficit d’oméga-3.”