Gondola
Si vous pensez que les négociations entre fabricants et retailers sont simplement difficiles, détrompez-vous : celles à venir promettent d'être épiques ! Le sujet était au centre du Sales & Nego Summit de la Gondola Academy, qui s'est tenu le 26 septembre. En introduction, Pierre-Alexandre Billiet, CEO du Groupe Gondola, a souligné que les négociations sont le moment où la 'valeur' est créée. Jamais nous n'avons dépensé aussi peu pour notre alimentation. La période de croissance d'hier était-elle due à la surconsommation ? Par ailleurs, les prix actuels ne tiennent pas toujours compte de facteurs externes, comme la pollution par exemple. L'avenir s'annonce à tout le moins passionnant.
Boule de cristal
Le volume des ventes sur le marché belge est relativement stable, avec une légère progression en valeur, notent Donatien Hanssens et Elisa Prati, tous deux consultant analytique chez NielsenIQ. Les ventes diminuent lorsque les prix augmentent (plus fortement). Dès lors, le succès des marques de distributeur ne surprend pas. La fidélité à une marque n'est plus garantie et l'augmentation du nombre de promotions pourrait renforcer cette tendance. Ceci étant, les promotions ne sont pas la panacée et leur efficacité peut diminuer avec le temps. "Des gains d'efficacité sont possibles dans la distribution des produits, indépendamment de l'optimisation de la gamme", affirme Donatien Hanssens. Cela inclut la premiumisation, une tendance toujours d'actualité, mais aussi la demande d'aliments riches en protéines, de produits à base de végétaux, de boissons non alcoolisées et de boissons énergisantes. Parmi les autres éléments pouvant peser sur les négociations, on soulignera le renchérissement futur du cacao, du café et du lait. Et l'on sait aussi que l'inflation remontera, on parle de 4 à 6%, fin 2024 et début 2025.
Mieux négocier ?
Kevin Kielbaey, head of retail media, et Younès Ahagoul, senior customer success manager, de LiveRamp, ont présenté Analytics Library, un nouvel outil à utiliser lors des négociations et que Carrefour utilise d'ailleurs depuis deux ans et demi. Il permet aux marques d'améliorer les négociations en se servant des données du retail. Les retailers se laissent de plus en plus guidés par les données et de tels outils deviennent peu à peu indispensables à la définition d'une stratégie claire. Il s'agit d'éliminer le côté émotif et de se baser exclusivement sur des faits.
Des alliances changeantes
Les négociations avec les alliances européennes du retail sont complexes et ont des répercussions sur les opérations et les stratégies nationales. Les entretiens de Silvie Vanhout, managing partner de la Gondola Academy, avec des experts en produits FMCG ont été riches en enseignements. "Les négociations visent à satisfaire les deux parties mais, trop souvent, elles mènent à une situation perdant-perdant plutôt qu'à une situation gagnant-gagnant. En première instance, on cherche à 'limiter la casse'", rapporte-t-elle. "Les négociateurs doivent disposer d'un mandat clair pour aller au bout sans avoir à consulter leur base. Parfois, les négociations sont un véritable combat et imposent de choisir le sien. Par exemple, le marché local est généralement plus important que l'ensemble du marché (européen). Enfin, ne perdez pas de vue que les réglementations diffèrent selon le pays et le marché !"
Les petites lettres
Annemie Van de Vliet et Karolien Francken, avocates au cabinet Faros, ont abordé la réglementation de manière plus concrète. Les négociations sont soumises à un cadre juridique auquel les parties ne peuvent déroger. Étant donné qu'ils peuvent faire baisser le prix pour le consommateur final, les groupements d'achat constituent une exception à la loi sur les cartels. Les négociations ne portent évidemment pas exclusivement sur les prix, mais aussi sur les services supplémentaires (transport, contrôle de la qualité, etc.) et sur la forme que prennent les accords. Ce qui est interdit, c'est la cartellisation autour des prix d'achat ou d'influencer les accords particuliers entre retailers et fournisseurs. La transparence doit être de mise vis-à-vis du fournisseur. Il est hors de question de négocier les prix de vente ou de délimiter un marché. En principe, les concurrents ne doivent pas échanger d'informations commercialement sensibles. En revanche, il est possible d'échanger des informations limitées, nécessaires au fonctionnement du groupement d'achat. Par ailleurs, les menaces de déréférencement ou d'arrêt de l'approvisionnement sont autorisées, à condition qu'elles soient limitées aux produits faisant l'objet d'une négociation et qu'il s'agisse d'une mesure temporaire. Les législations nationales en la matière peuvent être plus strictes.
Croître ensemble
Après le lunch – moment idéal pour réseauter – certains retailers ont expliqué leur vision des négociations. Geert Roels, chief purchasing officer chez Colruyt Group, et Bart Van Lierde, head of purchasing chez Solucious, ont expliqué ce que le Colruyt Group attend des négociations avec les fournisseurs. "Nous recherchons la continuité", a affirmé Geert Roels. "Ce qui signifie : les prix les plus bas depuis 50 ans et qui le seront encore dans les 50 à venir. En outre, un nouveau plan stratégique sera défini, sans grandes surprises." Si on lit entre les lignes, la croissance peut passer par l'augmentation de la rentabilité au mètre carré et un bon taux de rotation des produits. Geert Roels indique également vouloir plus de coopération au sein du Colruyt Group, c’est-à-dire éviter que les différentes entités ne se fassent concurrence. Bart Van Lierde a commenté la croissance des activités B2B(2E) du Colruyt Group (Solucious, Dats 24, Bike Republic, Jims ...) et on peut s'attendre à davantage de propositions communes à l'ensemble du groupe. Une bonne nouvelle pour les fournisseurs qui répondent aux différentes propositions de Colruyt.
Formule gagnante ?
Pour Raphaël Gentile, vice president unit dry, drinks, non-food & sourcing, Jonathan Hertog, vice president fresh & strategic sourcing, et Mattias De Backer, director sourcing, Delhaize a trouvé la formule gagnante pour atteindre une forte croissance en 2025. Les premiers résultats de la franchisation des magasins sont encourageants. Par ailleurs, Delhaize a décidé d'encadrer plus étroitement sa collaboration avec les fournisseurs, plusieurs aspects recevant une attention particulière : l'origine locale des produits et leur sanité (y compris ceux à base de végétaux), une offre abordable et inspirante (les Petits Lions, la carte de fidélité SuperPlus, l'innovation de produit des marques A et des promotions fortes et exclusives), le tout associé à des réinitialisations de catégories et à des updates des plannogrammes, eux-mêmes associés à des incitants pour les franchisés. Enfin, l'omnichannel devrait également être développé plus avant. Pour ce qui concerne les négociations à venir, Mattias De Backer souhaite des accords sur les trajectoires de croissance, une coopération transparente, le prix en tant qu'élément clé permettant de réaliser le plein potentiel du modèle de coopération, ainsi qu'une croissance et une marge durables. Les fournisseurs sont divisés en catégories : plus la catégorie est importante, plus la coopération (gagnant-gagnant) est forte.
Croître, croître et encore croître
Directeur commercial d'Intermarché, Joffrey Deknock entend poursuivre la croissance en gagnant en efficacité (y compris dans la logistique), en faisant évoluer l'assortiment et le concept en fonction du comportement des consommateurs. Grâce au rachat des magasins Mestdagh, Intermarché a fait un bond en avant en 2023. L'enseigne a vendu ses magasins en Flandre et se concentre sur son ancrage wallon et l'augmentation de sa part de marché. Si on en croit les chiffres de vente des magasins rénovés, le réagencement des magasins (qui devrait être achevé d'ici 2029) soutiendra la croissance. En termes de prix, Intermarché, comme Colruyt, est un suiveur. En ce qui concerne les accords avec les fournisseurs, l'enseigne vise une coopération à long terme, co-investissant dans les promotions.
L'e-commerce
Respectivement merchandise director et sales development director chez Carrefour, Nathalie Matterne et Paul Peugnet ont conclu ce Sales & Nego Summit. 'Digital retail company' Carrefour veut donner à Carrefour Belgique une identité plus claire qui devrait relancer une croissance rentable. Carrefour s'est un peu dispersé ces dernières années. Depuis 2022, l'enseigne a proposé 1.972 nouveaux produits tandis que disparaissaient 6.500 références. Malgré l'amélioration des performances, la part de marché reste sous pression, bien que la marge bénéficiaire se soit améliorée et que les clients soient plus satisfaits. Carrefour veut devenir un retailer 'data driven' mais surtout LE fournisseur de repas (chauds et froids) pour les familles. A noter : Carrefour optimise son offre de marques de distributeur et en fait moins la publicité ("Nous avons constaté que ce n'était pas vraiment nécessaire"). Objectif : être le distributeur préféré des consommateurs belges d'ici 2025. Le nouveau plan marketing laisse une large place au 'fun', un aspect avec lequel les marques A peuvent jouer. Carrefour achète plus de produits européens, tout en laissant plus de place aux marques nationales.