Les syndicats d’agriculteurs FUGEA et Boerenforum ont mené ce mardi matin une action de blocage devant le magasin Colruyt d’Ath. Les deux organisations entendent ainsi protester contre la stratégie d’achat de terres agricoles menée depuis plusieurs années par le distributeur belge.

Sur le coup de 10h, un rassemblement d’agriculteurs, venus avec leurs tracteurs, s’est formé devant le supermarché Colruyt d’Ath. Lancée à l’initiative des syndicats FUGEA et Boerenforum, ainsi que du Réseau de Soutien à l’Agriculture Paysanne, l’action avait pour but de sensibiliser la clientèle de l’enseigne à ce que les trois organisations qualifient de « stratégie d’accaparement des terres agricoles » menée par le groupe de distribution. Des militants ont également apposé des stickers dénonçant ces pratiques sur les chariots d’une cinquantaine d’autres magasins de Wallonie, Flandre et Bruxelles.

Vers un blocage général pour Noël ?

L’action menée ce mardi matin fait par ailleurs suite à une précédente initiative organisée le 15 avril dernier. « À l’époque, Colruyt nous avait promis de nous recontacter rapidement pour discuter de la question. Cinq mois plus tard, nous n’avions toujours pas de nouvelles… Quel manque de respect », dénonce Philippe Duvivier, président de la FUGEA. « Et aujourd’hui, les représentants du groupe nous ont expliqué qu’ils avaient tout simplement… oublié de nous recontacter. » La patience de l’agriculteur semble toutefois atteindre ses limites : « Si rien ne bouge une nouvelle fois, notre prochaine action consistera à bloquer l’ensemble des magasins et des centres de distribution de Colruyt dix jours avant Noël. »

« Une sorte de retour à la féodalité »

La FUGEA et le Boerenforum dénoncent depuis longtemps la stratégie d’achat de terres agricoles de Colruyt, jugée « nuisible tant pour les agriculteurs et agricultrices que pour notre souveraineté alimentaire ». Celle-ci aurait notamment pour conséquence de pousser les prix du marché foncier agricole à la hausse, rendant ainsi impossible l’achat de terrains par les jeunes agriculteurs, dénoncent les deux organisations. Pourtant, le président de la FUGEA n’est plus farouchement opposé à cette stratégie de rachat... « Nous sommes un peu résignés », confie-t-il. « D’ailleurs, Colruyt n’est pas le seul grand groupe à s’accaparer des terres agricoles. » Par contre, ce sur quoi Philippe Duvivier refuse de transiger, c’est la durée des baux proposés par Colruyt aux agriculteurs qui exploitent ses terres. « Nous voulons des baux de longue durée, afin de sécuriser nos investissements. Mais ce que Colruyt propose, ce sont des baux à très courte durée qui privent indirectement les agriculteurs de leur liberté de culture et les subordonnent aux décisions du distributeur. C’est une sorte de retour à la féodalité, avec Colruyt dans le rôle du seigneur et nous dans celui des serfs. »

« C'est une situation win-win »

Sans surprise, Colruyt Group n’est pas d’accord avec cette lecture de sa stratégie, et notamment le fait que l’enseigne proposerait jusqu’à quatre fois les prix du marché pour l’acquisition de certaines parcelles. « Il n'y a pas de prospection agressive », assure l’enseigne.

« En tant qu'acteur belge, nous voulons offrir autant d'approvisionnement belge et local que possible, le sécuriser et l'ancrer littéralement. Le déploiement sur les terres agricoles est donc la prochaine étape logique pour nous », explique encore Colruyt. « Un point important pour nous, c’est que nous coopérons avec des agriculteurs indépendants. C'est une situation win-win, car elle permet aux agriculteurs de générer des revenus supplémentaires sans avoir à réaliser eux-mêmes des investissements importants. Nous voulons travailler avec les agriculteurs sur des initiatives qui contribuent à la durabilité et à l'innovation des terres agricoles et des cultures : des sols plus sains, des concepts de culture durables et des cultures innovantes (…) Selon nous, ce modèle de coopération est un levier important pour faire correspondre encore mieux l'offre et la demande, répondant ainsi aux besoins des consommateurs. » Et le groupe de conclure en soulignant l’un des engagements clé de sa vision : « les terres agricoles restent des terres agricoles ».