Ce texte constitue l'éditorial de l'édition d'avril 2020 de Gondola Magazine, qui arrive cette semaine dans vos boîtes aux lettres.
Business, not as usual...
Il s'est à peine passé un mois depuis le dernier édito, et pourtant tout a changé. La menace a changé d'échelle, la vie quotidienne a changé de nature. Elle finit par ressembler un peu à ces séries de science-fiction que les confinés regardent désormais en boucle sur Netflix ou HBO. De cette crise où l'ennemi est invisible, l'image la plus concrète que s'est formée à ce jour le citoyen belge, c'est peut-être celle des rayons des supermarchés pris d'assaut par les fameux hamsters, pas toujours joviaux. Conséquence inattendue : cette distribution alimentaire qu'on aimait tant brocarder, en lui reprochant tout et son contraire, bénéficie soudain d'un éclairage plus positif, tant son rôle essentiel a été mis en valeur. Tant aussi elle a réussi à tenir le choc et assurer la continuité du service. La gratitude du public va à celles et ceux qui continuent à les accueillir en magasin ou assurer l'approvisionnement, et c'est bien mérité.
Ce nouveau statut, il faudra le confirmer et le mériter. Dépasser son rôle marchand pour contribuer pédagogiquement à " l'après ". L'après quoi ? On aimerait déjà parler d'après-corona, mais on n'ose encore le faire, faute d'une quelconque certitude scientifique. L'après économique, social, humain ? Quand la distribution alimentaire enregistre des niveaux de chiffre d'affaires historiques, une foule d'entreprises et d'indépendants sont saisis par le vertige, en contemplant leur revenus évaporés, et leurs charges bien présentes. La dernière chose qu'ils ont envie d'entendre, alors que le virus rôde encore, ce sont des augures leur promettre – quelle révélation ! – récession et faillites. Comme s'il fallait encore ajouter la fatalité à la fatalité.
"Le consommateur hystérique n'est jamais que la métaphore d'un monde où le réflexe instinctif de bien des acteurs moins modestes a été de bourrer avant les autres leur caddie, de respirateurs, de plus-values boursières ou de calculs politiques."
Bien sûr que les dégâts sont massifs. Bien sûr qu'il faudra se relever, redémarrer, progressivement, secteur par secteur, mais pas avant d'avoir mené le combat contre la pandémie. Et pas sans repenser bien des choses. Quand une entreprise ou un secteur souffrent, on leur reproche de ne pas avoir su s'adapter à un monde qui change. Ici, c'est au système tout entier de se remettre en question et s'adapter à une réalité que 75 ans sans guerre mondiale, sans peste et sans famine nous avaient fait oublier. C'est lui qui vient de prouver son inadaptation à la nouvelle réalité que créent les anciens fléaux. On a reproché au consommateur de céder à la panique, mais faut-il être plus indulgent pour les marchés financiers qui plongent, ou pire, qui spéculent ? Le consommateur hystérique n'est jamais que la métaphore d'un monde où le réflexe instinctif de bien des acteurs moins modestes a été de bourrer avant les autres leur caddie, de respirateurs, de plus-values boursières ou de calculs politiques. Ce sera bientôt le moment où jamais pour tous de hausser le niveau, d'être à la fois vaillants, créatifs, exigeants et solidaires, sauf à offrir aux cyniques et populistes de tout poil un passeport pour notre enfer. Mais pour l'instant, c'est encore le moment d'être disciplinés et vigilants, de protéger la santé de tous en veillant à la vôtre.