Carrefour mène, en France, un test pour le moins surprenant. Dans deux Market et deux Hypers, le retailer teste l’accueil réservé par sa clientèle à une omniprésence de ses MDD. Dans certains rayons, elles y occupent jusqu’à 80% des facings. Plus que l'objectif poursuivi, c'est sa mise en oeuvre qui étonne. Une information publiée cette semaine par Olivier Dauvers sur son blog, Le Web Grande Conso.
Alexandre Bompard déclarait à la présentation de son plan de transformation Carrefour 2022: « Les marques propres, qui représentent aujourd’hui 22% de nos ventes, doivent être le fer de lance de notre ambition avec l’objectif de monter à 33% des ventes en 2022 ». Un objectif clair exprimant son souhait de réaliser un tiers de ses ventes avec des MDD, grâce à une gamme élargie et une attractivité renforcée. Une ligne assez logique, les MDD générant davantage de marge, mais pas si simple à mettre en pratique, notamment vis à vis des marques A. Plus de MDD signifie également moins de place en rayon pour les marques A. Et c’est peut-être là l’objectif du test repéré par Olivier Dauvers dans deux hypermarchés (La Ville du Bois et Saran) et deux Carrefour Market (Rouvroy et Rubelles) français.
Images à l’appuis, le spécialiste démontre l’ampleur du test. Dans certains rayons comme celui du jambon cru ou du jus d’orange, les MDD occupent jusqu’à 80% des facings. « Deux catégories qui sont certes très MDD-perméables mais la part de linéaire est très très très nettement au-delà de la part de marché » note Olivier Dauvers sur son blog. Et ce n’est pas tout, puisqu’en poursuivant son périple, il remarque la disparition de certaines marques incontournables en France: Francine pour la farine, Puget pour l’huile d’olive et même Teisseire pour le sirop. En Market, Carrefour ose donc l’éviction de grandes marques pour le bien de son expérimentation.
©Olivier Dauvers, Le Web Grande Conso
En hyper, le retailer opte plutôt pour la mise en valeur de ses MDD. Celle-ci se fait par deux facteurs: l’attribution des meilleures places en rayon et la limitation des facings des marques A.
©Olivier Dauvers, Le Web Grande Conso
"Mettre en avant à ce point les MDD est inédit"
Si le test peut paraitre fou, l’objectif recherché ne l’est pas tant que ça, nous explique Silvie Vanhout, Managing Partner The Retail Academy. « L’ambition de Carrefour d’atteindre une part de marché de 33% sur ses MDD n’a en soi rien d’étonnant. Il s’agit davantage de s’aligner au marché français. Des retailers comme Casino, Intermarché, Super U, Hyper U ou Simply Market réalisent d’ores et déjà plus de 30% de leurs chiffres d’affaires grâce aux MDD, là où Carrefour Market et Carrefour affichent un retard, avec respectivement 26,1% et 23,5% de parts de marché MDD. Ce travail, les retailers belges l’ont fait il y a de cela quelques années déjà. En moyenne, les MDD s’octroient chez nous une part de marché de 36%, grâce notamment aux efforts consentis en matière d’élargissement de la gamme et de premiumisation de l’offre MDD. Et la tendance haussière se poursuit, puisque la croissance du marché MDD est plus marquée qu’elle ne l’est sur le marché des marques A (+1,9% contre +0,4%, MAT juin 2018) » nous précise Silvie Vanhout.
L’objectif est dès lors logique, mais qu’en est-il alors de sa mise en oeuvre? « Mettre en avant à ce point les MDD est par contre inédit et osé dans la mesure où les retailers, s’ils retirent davantage de marges sur les MDD, ont toujours besoin des marques nationales. Je ne pense donc pas qu’un tel bouleversement puisse se produire de si tôt chez nous. Les MDD ont déjà gagné en visibilité et en hauteur, mais placer les marques si bas en rayon ou avec un facing si peu imposant parait particulièrement audacieux » confirme Silvie Vanhout.