#3 Chaque jour de cette semaine, retrouvez sur notre site le témoignage d’un acteur de la grande distribution depuis l'annonce du confinement le 12 mars dernier. Découvrez d’autres témoignages dans notre magazine d’avril, envoyé gratuitement chez vous par voie postale (infos ci-dessous).

Jurgen Van der Vekens, manager opérationnel chez Albert Heijn, est responsable de 14 supermarchés dans les provinces du Limbourg, d'Anvers et du Brabant flamand. Chaque jour, il se rend sur place pour vérifier si tous les magasins fonctionnent correctement. Son travail est bien plus complexe depuis la crise du coronavirus. 

Comment avez-vous vécu le déclenchement de la crise en Belgique ?

Je dois admettre que je dois réfléchir un instant, car cela me semble vraiment si lointain. Je me souviens que le stockage massif des clients a commencé le jeudi 12 mars. Le matin, je suis allé en voiture à Olen et tout s'est déroulé comme d'habitude. Mais quand j'ai roulé vers Mol dans l'après-midi, j'ai remarqué un changement. Quoi exactement, je ne le savais pas, mais il y avait beaucoup plus de monde dans le magasin, les chariots étaient plus remplis que d'habitude. Certains services ont également commencé à se vider. Il y avait déjà là une observation : les marques les moins chères et la marque Albert Heijn ont été prises d’assaut, suivies des marques nationales et puis, dans une moindre mesure, les marques premium. J'ai également observé ce comportement dans le magasin Albert Heijn d'Overpelt, que j'ai visité par la suite. 

Au fait, ce qui m'a frappé, c'est que le papier toilette est soudain l'article le plus chaud du magasin. En fait, c'est étrange, parce que c'est un produit dont on n'a pas vraiment besoin, mais pour une raison quelconque, les gens ont commencé à l'accumuler. Je pense aussi qu'à ce moment-là, les gens eux-mêmes ne savaient pas ce qui se passait et que c'est pourquoi leur instinct primaire a pris le dessus et qu'ils ont essayé de se constituer un stock suffisant pour que cela devienne sérieux.Dans les jours qui ont suivi, le comportement du hamster a continué. Ce n'est qu'à partir de mercredi, alors que le verrouillage venait d'être annoncé, qu'il a commencé à diminuer. Je dois admettre que je suis un peu choqué par la réaction des gens. J'ai 42 ans et pendant tout ce temps, je n'ai jamais vécu une telle situation. Et je ne pensais pas que quelque chose comme ça se reproduirait. Il s'agit de véritables situations de guerre.

Quel impact a eu la crise sur votre travail ? 

Je ne dois pas nécessairement travailler plus, mais plutôt différemment. Avant, il fallait privilégier le côté rationnel. Aujourd’hui, c’est l'aspect émotionnel qui prime. J’ai maintenant beaucoup de tâches supplémentaires en plus de mon travail normal. Par exemple, j'ai chaque jour plusieurs réunions régulières avec les directeurs de supermarchés, entre autres, pour voir si tout va bien et s'ils ont encore besoin d'aide. J’ai aussi dû apprendre à utiliser des programmes dont je n’avais jusque là pas besoin. Je ne suis plus seulement sur la route, je dois souvent modifier mon emploi du temps quotidien pour que tous les imprévus s'intègrent le mieux possible. 

Il y a une sorte de nouvelle normalité : l'aspect humain est devenu beaucoup plus important. Nos directeurs de supermarchés et autres employés, qui sont souvent confrontés à des clients anxieux, ont aussi parfois besoin de discuter. C'est pourquoi je visite maintenant mes magasins tous les jours, par exemple, pour qu'ils puissent eux aussi se confier. C'était moins le cas auparavant. Aujourd'hui, le soutien psychologique est devenus très importants et je remarque que je peux aider les directeurs de mes supermarchés et les autres membres du personnel en leur servant de caisse de résonance. Je remarque que cela est très apprécié. Je tiens par ailleurs à souligner que je suis très fier de tous nos concitoyens. Ils font tout leur possible chaque jour pour que les choses continuent de fonctionner et cela vaut la peine de le dire. 

Comment essayez-vous de soutenir vos employés de la meilleure façon possible ? 

Chez Albert Heijn, nous proposons différentes possibilités vers lesquelles nos employés peuvent se tourner. Par exemple, moi, mes supérieurs hiérarchiques, mais aussi des personnes des ressources humaines ou des conseillers en prévention vont dans les magasins pour y encourager le personnel. Mais nous proposons également des webinaires qui expliquent, par exemple, comment les gens peuvent mieux gérer le stress, quels sont les signaux, etc. 

Nous sommes vraiment très conscients de soutenir les employés autant que possible et aussi de reconnaître immédiatement les signaux au cas où les choses iraient trop loin. Mais c'est parfois difficile, car chacun vit cette de manière différente. Nous ne connaissons pas toutes les réponses aux problèmes actuels.

Nous essayons également de rendre la vie aussi agréable que possible pour le personnel du magasin. Par exemple, je sais que certains directeurs de supermarchés organisent un déjeuner avec le personnel afin de maintenir une bonne ambiance de groupe. Car même en ces temps de crise, il faut encore continuer à s’amuser.

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