Quelles leçons marques et retailers peuvent-ils tirer des élections?
Un nouveau dimanche noir secoue profondément la politique belge. Rudi De Kerpel, Grete Remen et Fons Van Dyck nous explique comment les retailers peuvent également en tirer des leçons.
Rudi De Kerpel: “Reconnaître les besoins du client”
L'entrepreneur Rudi De Kerpel, qui a vendu l'an dernier Eurotuin à Aveve/Arvesta, entrevoit trois leçons pouvant être tirées par les entreprises et les retailers. La première : écoutez votre client. « Lors des élections, les partis qui ont essayé d'entrer en contact avec leur ‘client’ ont infligé une lourde défaite aux autres partis. Cela ne s'est pas suffisamment produit, et les besoins des citoyens n’ont dès lors pas été reconnus. En d’autres termes, il y a eu erreur sur l’offre. Avec le climat, Groen avait un thème qui touchait beaucoup de gens, mais il n'a pas réussi à l’intégrer dans un message qui plaisait. Ils ont trouvé de mauvaises réponses, comme dans le cas de la voiture de fonction. Cela a dissuadé l'électeur. »
Deuxième leçon : la communication est importante. « Non seulement faut-il délivrer un message aux gens, mais il faut également s’assurer qu’il arrive à destination et qu’il y a, pour lui, un marché. Et même s'ils vous demandent quelque chose que vous ne pouvez pas leur offrir, envisagez au moins d'en faire quelque chose ou voyez ce que vous pouvez en faire. Par exemple, on a beaucoup parlé de Roundup et du glyphosate qu'il contient, mais il faut trouver une solution qui fonctionne. Si vous n'avez pas d'alternative valable, le consommateur se détournera de vous. Vous devez faire passer le client en premier. Il n'est jamais trop tard pour adopter cette perspective. Regardez Torfs, Hubo ou d'autres retailers : ils ont embrassé le monde numérique et sont maintenant complètement dedans. »
Troisième leçon : les budgets ne sont pas infinis. « Si l'on devait adopter une approche plus commerciale de la politique, on dépenserait mieux les ressources et on n'aurait probablement pas connu un dimanche noir non plus. » « L’échec de la gestion budgétaire - malgré tous les efforts qui ont été demandés aux citoyens - a contribué à l'atmosphère négative autour de la politique gouvernementale, bien qu'ils aient réalisé beaucoup de choses positives telles que la réduction de l'impôt des sociétés et le transfert fiscal pour les citoyens ».
Fons Van Dyck: “L’establishment et les grandes marques sont attaqués”
Fons Van Dyck voit deux lignes de fractures majeures qui définissent à la fois le monde politique et le secteur du commerce. « La première ligne de fracture est celle du système contre l'anti-système. Cela vit auprès des gens, quels que soient les casquettes qu'ils portent : celles de consommateur, de citoyen, d'électeur ou de collaborateur. Les marques et les entreprises font partie du système, tout comme la politique et les gouvernements. C'est une leçon importante. Depuis le début du siècle, on observe que les gens ont de moins en moins confiance dans les marques et les entreprises. 77% des marques n'ont plus de sens pour les consommateurs. Les gens s'en détournent. Les marques qui veulent changer cela, doivent à nouveau créer de la valeur, avoir un sens pour le consommateur. Il est également important que vous travailliez sur le plan émotionnel : vous devez à nouveau faire appel à la chaleur et à l'engagement. Vous devez également vous assurer d'une bonne expérience utilisateur, tant dans le monde physique que dans le monde numérique.
La deuxième ligne de fracture est celle du système ouvert contre le système fermé. Cela n'implique pas un jugement de valeur : ce sont deux possibilités. Il existe de nombreux systèmes fermés et de nombreuses entreprises qui vous donnent le sentiment d'appartenir à un club, comme Apple et Harley Davidson. Elles fonctionnent avec un modèle d'abonnement. Les systèmes ouverts et les entreprises sont très ouverts au marché et tentent d'atteindre de nombreux nouveaux clients : le modèle d'acquisition. Cela correspond politiquement aux partis qui sont en faveur de l'ouverture des frontières. Le système fermé traduit la politique dans l'extrême droite. Mais la leçon la plus importante de ces élections, c’est que les partis anti-système sont les vainqueurs. »
Grete Remen: “Retour à la petite échelle”
Grete Remen, CEO de l'entreprise alimentaire Damhert et politicien (Open VLD), se retrouve plutôt dans l'analyse de Fons Van Dyck : Selon elle, les gens s'opposent à la grande échelle et au sentiment que les choses se décident bien au-dessus d’eux. « Les gens recherchent la sécurité, des choses reconnaissables. Tel était l'avantage du Vlaams Belang, outre le message raciste de ce parti : il avait un message très clair. Beaucoup de choses nous arrivent de plein fouet: le vieillissement de la population, la digitalisation, les différentes habitudes alimentaires. Les grandes marques et les retailers sont peut-être attaqués, mais ils dominent toujours le marché. En tant que fournisseur indépendant, il est encore très difficile de s'implanter dans la grande distribution. Pourtant, c'est le modèle de l'avenir : celui de l'entrepreneur indépendant. Vous pouvez également le constater dans le cas des retailers : ils visent les retailers indépendants. Des gens qui apportent leur propre capital dans une entreprise, prennent eux-mêmes des risques et savent combien coûte quelque chose et combien il doit rapporter. Chez de nombreux grands retailers, cela se fait dans un bureau central par des gestionnaires qui en sont très éloignés. Les grands supermarchés ne vont pas bien : regardez Makro et Carrefour, qui ont dû changer complètement de stratégie. Vous pouvez également voir la panique parmi les grands retailers, suscitée par l’arrivée d’acteurs des Pays-Bas, qui essaient de conquérir des parts de marché en offrant des prix très bas ou de grandes promotions.