C’est un nouveau scandale alimentaire qui s’abat aujourd’hui sur le sol européen. Des millions d’oeufs ont été contaminés par un insecticide venu tout droit… de Belgique. A l’étranger, on pointe du doigt l’Afsca qui, au courant depuis le début du mois de juin, n’a dévoilé aucune information avant le 20 juillet. Résumé d'une situation complexe…
La Belgique, point de départ du scandale?
Si le scandale a éclaté aux Pays-Bas et en Allemagne, il trouve toutefois naissance en Belgique, dans la province d’Anvers. Début août, la NVWA (équivalent néerlandais de l’Afsca) invite les consommateurs à ne pas manger d’oeufs portant les codes X-NL-40155XX* en raison d’une contamination au Fipronil, insecticide qui à haute concentration peut s’avérer nocif pour les reins, le foie et la glande thyroïdienne. Très vite, c’est alors au tour de l’Allemagne de rappeler des millions d’oeufs présentant un risque de contamination.
Si les éleveurs concernés sont principalement Néerlandais et Allemands, c’est pourtant bien en Belgique que l’on retrouve le point de départ de ce scandale alimentaire. En effet, ceux-ci ont acheté un désinfectant, le Dega-16, à la société néerlandaise ChickFriend qui se serait elle-même fournie auprès de la société belge Poultry-Vision.
Mais voilà, si les éleveurs allemands et néerlandais se disent trompés, le produit incriminé leur ayant été présenté par ChickFriend comme un produit naturel, l’avocat de Poultry-Vision assure que la société a correctement informé les acheteurs. Le responsable de la société belge est toutefois bel et bien au coeur de l’enquête en cours. Suite à des dénonciations, celui-ci se voit soupçonné d’avoir commandé de grandes quantités de Fiprocid, un médicament pour animaux contenant du Fipronil, en Roumanie et de l’avoir mélangé au Dega-16.
L’Afsca a-t-elle fait de la rétention d’information?
Le Ministre de l’Agriculture allemand, Christian Schmidt a déclaré attendre des autorités compétentes qu’elles élucident ce dossier rapidement et en profondeur. « En particulier la Belgique et les Pays-Bas. Quelqu’un a clairement procédé avec une énergie criminelle pour frelater (les oeufs) avec un produit interdit » a-t-il souligné. Certains vont jusqu’à soupçonner l’Afsca de rétention d’information.
L’Afsca avait en effet détecté la présence de fipronil dans certains oeufs dès le début du mois de juin, mais n’a communiqué aucune information avant le 20 juillet aux autorités compétentes des pays voisins. Pour de nombreux politiques, belges et allemands, ce silence n'est pas acceptable, jugeant que des oeufs contaminés ont pu ainsi passer dans les mailles du filet et résulter sur un large scandale alimentaire comme le fut celui de la dioxine.
L’agence explique que le parquet d’Anvers s’est saisi de l’affaire et que le secret de l’instruction a du être respecté en raison de la complexité du dossier. « Cela a pris un certain temps, et ce n’est que le 20 juillet grâce à l’aide du Parquet que nous avons pu obtenir des informations et constater l’ampleur des exploitations touchées » a déclaré Kathy Prison, porte-parole de l’Afsca.
(Découvrez les explications de l'Afsca entendue à la Chambre sur le sujet le mercredi 8/8 en fin d'article)
Ampleur de la contamination
On dénombre aujourd’hui 7 pays concernés par le scandale: les Pays-Bas (pays d’origine de millions d’oeufs exportés en Europe et où une enquête pénale est en cours), la Belgique (accusée de rétention d’information et où une enquête pénale est en cours), l’Allemagne, la Suisse, la France, la Suède et le Royaume-Uni.
Si le ministre fédéral de l’Agriculture allemand parle « d’au moins 3 millions d’oeufs contaminés », le ministre de l’Agriculture de l’Etat-région de Basse Saxe parle quant à lui de 10 millions, un chiffre largement repris par la presse allemande. Premier à prendre des mesures, Aldi a choisi de retirer tous les oeufs de la vente. Une décision qui ne plait pas aux aviculteurs allemands puisque « seuls 4 élevages allemands ont été touchés ». Ils estiment qu’Aldi a fait perdre 4.000 euros à chaque aviculteur.
Quant à Lidl, Rewe et Penny, ils ont décidé de ne retirer que les oeufs venus des Pays-Bas. Chez nous, Delhaize, Colruyt et Albert Heijn ont appliqué le principe de prudence en retirant eux aussi les oeufs présentant un risque de contamination. Lidl Belgique a également retiré 3 lots d'oeufs dans ses magasins de Flandre occidentale et orientale et du Hainaut. En Suisse, Migros et Coop ont également retiré les oeufs venus d’autres pays. En France, un élevage au nord du pays a été placé sous surveillance, mais aucun oeuf n’a été mis en vente. Informé que 13 lots d’oeufs contaminés en provenance des Pays-Bas ont été livrés à deux fabricants de produits à base d’oeufs, le ministre de l’Agriculture français a également annoncé le lancement d’une enquête de grande envergure. L’objectif étant de savoir si des pâtisseries ou plats préparés contaminés se sont retrouvés en rayon.
Côté Néerlandais, la Fédération nationale de l’agriculture et de l’horticulture annonce que plusieurs millions de poules pondeuses devraient vraisemblablement être abattues. Elle estime en outre que si le risque pour les consommateurs est passé, il n’en va pas de même pour les éleveurs. « Il faudra des semaines, voire des mois avant qu’ils ne puissent reprendre la production » a-t-elle déclaré. Les pertes pour les aviculteurs néerlandais sont estimées à plusieurs millions d’euros. Un plan d’urgence pourrait être mis en place.
Update:
08/08 - 14h47
En Wallonie, l’impact de ce scandale serait actuellement évalué à des centaines de milliers d’euros, selon la Fédération wallonne de l’agriculture. Le Boerenbond parle quant à lui d’un coût d’au moins 10 millions d’euros pour le secteur en Flandre.
"Aucun danger pour la santé"
Selon les premières analyses effectuées en Belgique, le taux de fipronil contenu dans les oeufs belges ne présente aucun danger pour la santé. Celui-ci serait dix fois inférieurs aux normes européennes. Il faudrait à une personne de 70kg ingurgiter une quinzaine d’oeufs avant d’éprouver de potentiels problèmes de santé. Par mesure de sécurité, ces oeufs ont été détruits.
Updates:
08/08 - 14h14
Depuis lors, l’Afsca a toutefois annoncé avoir bel et bien détecté un dépassement du seuil de sécurité européen. Un exploitant belge a en effet fait usage de son droit de contre-expertise. La seconde analyse a révélé un taux bien supérieur à celui de la première, 0,076 mg/kg, puisque celui-ci atteignait 0,92 mg/kg. « L’Afsca et les laboratoires concernés font actuellement une recherche afin de pouvoir expliquer la différence dans ces résultats d'analyse » indique l’agence.
Suite à cette annonce, l’Afsca a pris des mesures de précaution et dévoilé dix codes d’oeufs à ne pas consommer et à ramener en magasin: 2BE3084-2, 2BE3084-3, 2BE3084-6, 2BE3123-A, 2BE3123-B, 2BE3123-C, 3BE4004, 3BE4005, 1BE8016 et BE3114. Un numéro vert est également mis à disposition des consommateurs ayant des questions sur le sujet : 0800/13.550.
En réponse à cette annonce Lidl, qui n’avait jusque là pas été touché par le scandale des oeufs, a annoncé le retrait en Flandre orientale et occidentale et dans le Hainaut des oeufs portant les codes 2BE3123-A; 2BE3123-B et 2BE3123-C.
Les réactions politiques belges
Chez Ecolo, on regrette le manque d’action concrète, indiquant que le principe de précaution et de transparence n’a pas été appliqué. « Cette information est d'une extrême gravité et pose de nombreuses questions quant à la surveillance du secteur alimentaire et de la protection du consommateur. Une telle absence d'information pendant deux mois sur une crise sanitaire même potentielle est tout à fait inacceptable. Dans ces matières, le principe de précaution et la transparence doivent s'appliquer immédiatement », a ainsi déclaré Jean-Marc Nollet, chef de groupe Ecolo à la Chambre. Jean-Marc Delizée, député fédéral PS et président de la Commission Economie et Agriculture s’interroge pour sa part sur le fait que les oeufs soit aujourd’hui seulement retirés, et pas en juin. Pour son parti, une instruction judiciaire ne peut empêcher de prendre des mesures de prévention et de santé publique. Un avis partagé par le CdH.
De son côté, Denis Ducarme, nouveau ministre de l’Agriculture demande à recevoir l’ensemble des éléments à disposition de l’Afsca. Celui-ci et Maggie De Block, ministre de la Santé publique seront entendus ce mercredi matin en commission Economie et Agriculture à la Chambre.
Update(s):
Que s'est-il dit à la Chambre?
08/08 - 15h04
Ce mercredi, les deux ministres sont entendus à la Chambre dans le cadre du dossier des oeufs contaminés au fipronil. Il a d’abord été question de l’impact économique de ce scandale (des centaines de milliers d’euros en Wallonie et « au moins 10 millions » en Flandre), puis de la fiabilité des contrôles effectués par l’Afsca suite à une contre-expertise démontrant une erreur lors de la première analyse chez un exploitant belge. Ecolo et PS ont en outre déploré l’absence de Willy Borsus, ministre fédéral de l’Agriculture au début de la crise.
L’Afsca s’est ensuite défendue de toute rétention d’information, assurant que le juge d’instruction lui avait expressément demandé de ne diffuser aucune information autre que les mesures de santé publique. L’agence indique qu’elle n’avait pas besoin de communiquer au grand public durant les phases d’analyse et de traitement de la première contamination recensé, sachant « qu’elle avait directement fait le nécessaire afin d’éviter, depuis l’exploitation concernée, la progression de la contamination dans la chaîne alimentaire ». Au moment des premières analyses, le taux restait inférieur aux normes européennes, il n’y avait dès lors « aucun risque pour le consommateur ». Ce n’est, explique l’Afsca, que le 20 juillet, suite à une perquisition à Anvers, que l’agence apprend que la contamination est potentiellement beaucoup plus large que ce qu’elle pensait. A ce moment, le juge d’instruction lui a une nouvelle fois demandé de garder le silence, outre mesures de santé publique. C’est alors qu’elle a informé les pays limitrophes et les instances européennes. Willy Boursus a quant à lui été informé le 24 juillet.