Malgré ses 124 années d’existence, la Sofina, holding détenue par la famille Boël, n’en a pas moins conservé la souplesse de la jeunesse, ainsi que la volonté de vivre avec son temps. Un leitmotiv confirmé par ses récents investissements dans des jeunes pousses qui entendent révolutionner le secteur du retail.
« Notre histoire tient plus de l’évolution que de la révolution. (Même si), et c’est une des forces des sociétés familiales, pour durer, il faut se réinventer à travers les générations. Simplement parce que le monde change », expliquait Harold Boël, CEO de la société d’investissement belge Sofina, dans une interview accordée à L’Echo en 2019. À l’époque, la holding entamait un désengagement progressif du groupe Colruyt, une stratégie que la firme a poursuivie par la suite. « Après un partenariat de plus de quatre décennies, Sofina a décidé de céder tranquillement mais sûrement ses parts dans Colruyt », pointait Jef Colruyt, lors de l’assemblée générale de son groupe en septembre 2020. « Sofina a mené un très beau parcours à nos côtés, et a toujours été d’un grand soutien, même dans les années 1980, lorsqu’une certaine appréhension régnait quant à savoir si le groupe Colruyt allait survivre. Sofina a même réinjecté des fonds tant elle y croyait. » Force est de constater que c’est en autre chose que croit la holding désormais. Au fur et à mesure qu’elle faisait ses adieux à son vieux partenaire de la distribution traditionnelle, la fringante centenaire s’est résolument tournée vers de nouveaux acteurs, plus jeunes, et dont l’ambition est de révolutionner le secteur du retail.
(R)évolution
En octobre dernier, la Sofina a notamment fait son entrée dans le capital de la société de livraison rapide Gorillas, lors d’un tour de table qui a permis de lever au total 860 millions d'euros. Avec la promesse faite au consommateur de recevoir ses courses livrées chez lui en seulement 10 minutes, les jeunes pousses du ‘quick commerce’, dont fait partie la licorne allemande, se posent en concurrents directs des distributeurs classiques, particulièrement dans les centres-villes. Lancée en 2020 et déjà implantée dans 9 pays, la pépite Gorillas est présente en Belgique depuis l’été dernier, à Anvers et Bruxelles. Elle compte à ce jour environ 11.000 collaborateurs, coursiers compris.
Autre investissement notable : la holding de la famille Boël a récemment pris une participation dans la start-up française Ankorstore, une plateforme B2B qui met en relation des marques et des détaillants. Après seulement deux années d’existence, la place de marché est déjà présente dans 23 pays et propose un catalogue riche de 15.000 fournisseurs à ses 200.000 retailers partenaires. En ce mois de janvier, l’entreprise est par ailleurs devenue la 24e licorne française grâce à une nouvelle levée de fonds de 250 millions d'euros.
Années fastes
Avant cela, la Sofina avait déjà démontré son goût pour l’innovation en ajoutant à son portefeuille des noms devenus prestigieux comme Whatsapp ou encore Uber. Cependant, l’appétence pour les jeunes loups n’est pas sans risque. Jusqu’en janvier dernier, la plateforme britannique d’e-commerce The Hut Group, spécialisée dans les secteurs de la beauté et du bien-être, faisait partie des paris gagnants de la holding familiale belge. Depuis lors, THG traverse une zone de fortes turbulences et a vu son action perdre plus de 80% de sa valeur…
Une contre-performance qui n’a toutefois pas empêché la Sofina de connaître en 2021 une nouvelle année faste grâce à ses autres investissements. Elle qui pesait encore 10 milliards d’euros au début de l’été a clôturé le mois de décembre avec un actif net d’une valeur de 11,1 milliards d’euros. Sur Euronext Bruxelles, cela s’est traduit par un cours en hausse de quelque 56% sur l'année fraîchement écoulée, après une croissance de 44% en 2020. Une fête quelque peu plombée en ce début d’année par l’impressionnante chute des marchés et qui a vu le titre perdre près de 20% de sa valeur. Une révolution se déroule rarement sans heurts…