Nous avons aujourd'hui rendez-vous avec deux experts, pour un dialogue inattendu. L'un, Cédric Cauderlier, est un expert en stratégies digitales, formé à la Harvard Business School, et fondateur de l'agence de marketing digital Mountain View. Depuis 15 ans, il accompagne les entreprises soucieuses de bien maîtriser les enjeux du digital. L'autre, Didier Navette, est le Directeur Marketing de Shelf Service, l'entreprise de référence dès qu'il s'agit de communiquer sur le point de vente.

Didier, quel est le point commun entre vos univers respectifs ? Qu'est ce qui vous réunit ?

D'abord le fait que nous collaborons, autour de ce thème dont nous allons parler aujourd'hui : les interactions qu'ont les marques avec leurs consommateurs. Et puis il y a cette conviction commune : les marques doivent plus que jamais trouver les bons outils et les bons arguments pour créer de la valeur…

Pourquoi plus que jamais ? Cette valeur est menacée ? Ou n'est plus perceptible ?

La situation économique actuelle met tout le marché sous pression. Les distributeurs misent beaucoup sur leurs assortiments private labels, dans leur communication comme en rayon, afin de répondre à un souci d'économie du consommateur. Les marques nationales se voient alors parfois reléguées sur des étagères plus basses qu'autrefois…

Shelf Service
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Elles doivent donc redoubler d'effort en communication pour rester visibles ! Mais autour de quels messages ? Cédric, qu'est-ce que le marketing digital nous apprend à ce propos ?

Didier a raison de parler de création de valeur : c'est bien l'enjeu qui s'impose aux grandes marques. Laissons-leur ça : la valeur, elles contribuent largement à l'apporter au marché, ne fût-ce qu'en raison de leur capacité à apporter de l'innovation. Mais la notion même de valeur a beaucoup évolué avec l'avènement du digital. Une marque, c'est bien sûr une gamme de produits, une image, mais aussi toute une série de choix posés sur des critères tels que le service, la santé, l'environnement, la responsabilité sociale. Et ces sujets-là, le monde digital en parle tous les jours, et ceci influencera les décisions d'achat. Le consommateur a désormais accès à une multitude de sources pour se forger une opinion sur une marque. Et ce qu'il attend aujourd'hui, c'est qu'une marque lui offre de la valeur qui ait un sens pour lui. Il n'y a plus seulement le prix ou les caractéristiques plus ou moins innovantes du produit. Ajoutez-y des couches telles que le Nutri-Score, l'Eco-Score, la réputation de la marque : tout ça forme de la valeur aux yeux du consommateur.

Il incombe donc aux marques de résolument communiquer autour de ces axes de valeur ?

Oui, bien sûr, mais la réputation, ça ne se décrète pas, ça se mérite ! Le grand phénomène que l'on observe avec le digital, c'est que le consommateur cherche l'avis de gens qui lui ressemblent. Approuvent-ils ce produit, cette marque, l'expérience qu'elle procure, ses valeurs ? Les gens aiment s'appuyer sur des avis externes. Amazon, le commerçant digital, l'a tellement bien compris qu'il a tenté l'expérience, désormais abandonnée, de ses ‘4 stars stores’, des magasins physiques ne vendant que des articles ayant reçu un rating au moins égal à 4 étoiles sur son webshop.

Mais ce que le consommateur chasse sur son smartphone, ce n'est pas surtout le meilleur prix ?

Pas seulement, détrompez-vous. Dans les évaluations d'Amazon, la livraison a par exemple autant d'importance que le produit lui-même ! Et puis, au cours des 20 dernières années, sur les moteurs de recherches, le mot ‘best’ a détrôné le mot ‘cheapest’, quand il s'agit de trouver une recommandation pour un produit. Prenez une plateforme telle que Trustpilot, qui recense les opinions des consommateurs sur les marques. Y obtenir une note de 4,5 sur 5, c'est un peu l'équivalent du ‘Vu à la TV’ d'autrefois.

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De gauche à droite : Didier Navette et Cédric Cauderlier

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Didier, vous vouliez intervenir…

Tout ceci n'est pas incompatible avec un discours sur le prix. Le tout est de le faire sans détruire de la valeur. Quand une marque de détergent explique au consommateur que son produit lui permettra d'économiser 6 euros sur un paquet, en diminuant la température du programme de lave-vaisselle, elle respecte la valeur. Même en promo, on peut préserver la valeur. Les gens perdent du pouvoir d'achat ? On peut leur faire plaisir avec des bons de réduction ou des offres 1er achat 100% remboursé : des mécanismes qui ne dévaluent pas le produit ou la marque !

Mais il faut encore les maîtriser, ces techniques…

Ça, c'est typiquement l'expertise de Shelf Service : on ne vous recommandera pas les mêmes mécaniques selon que votre produit soit en phase de lancement, connaisse une reformulation ou un nouvel aspect. Ce que nous réclament nos clients, c'est de les aider à faire des campagnes justes, en partageant avec eux notre connaissance du point de vente, celle des règles de la ‘grammaire promotionnelle’, et l'aide de nos données décrivant le comportement qu'adopte le shopper en magasin.

Cédric, comment le point de vente peut-il tirer parti de ce que le marketing digital nous apprend des attentes du consommateur, et de son besoin de vérifier l'e-réputation d'une marque ? Le magasin doit-il devenir plus technologique et bardé d'écrans interactifs ?

Non, ce n'est pas ça l'enjeu véritable ! Aujourd'hui, chaque consommateur dispose, avec son smartphone, d'un outil qui lui permet, s'il le souhaite, d'ajouter pour chaque produit détecté, une couche de réalité augmentée : quelle est sa réputation en ligne ? Ou son score santé sur l'app Yuka ? Rares sont pourtant ceux qui vont le faire en permanence. Tout le monde souhaite malgré tout des courses rapides et efficaces. Quant à bombarder le shopper de sollicitations visuelles, ce serait sans doute contre-productif. Ce qui compte, c'est bien de construire jusqu'au point de vente un ‘customer journey’ où la marque propose de la valeur pertinente pour le consommateur, de façon transparente. Si vous l'avez fait, rien ne vous interdit de le communiquer en rayon sur un support promotionnel classique…

Par exemple ?

Imaginez que votre produit se distingue par sa composition, très favorable. Pourquoi ne pas signaler cette valeur que vous apportez par un shelf stopper disant “Dans ce rayon, vous ne trouverez pas de produit plus naturel ?”

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Pourquoi personne ne le fait-il ?

C'est un peu une forme de timidité marketing. Le discours sur les valeurs, la santé, le durable, est souvent assez corporate. C'est la marque qui vous parle, avec un ton très attendu à force d'être sage. Mais si d'autres consommateurs la plébiscitent, ça a beaucoup plus de poids et d'impact que quand elle le dit elle-même. C'est la grande leçon du digital !

Didier, il faut se méfier de la timidité ?

En rayon ? C'est une de mes convictions. Prenez par exemple le layout des coupons promotionnels. Beaucoup de marques mettent un soin jaloux à ce que leur aspect soit 100% fidèles aux codes couleurs ou styles graphiques de la marque. Résultat : ça manque un peu d'inattendu et l'impact est amoindri. Ça peut être tout aussi vrai pour les arguments de vente !

Vous partagez donc l'opinion de Cédric ?

Absolument ! Le marketing digital, ce n'est pas une question de hardware ou de gadgets ! Ce que le digital peut apporter ou inspirer en magasin, c'est une meilleure compréhension du comportement et des critères de choix des consommateurs. Il y a des gisements de valeur à exploiter et mettre en évidence jusqu'en rayon pour influencer les décisions d'achat. Et c'est du reste bien pour ça que nous collaborons avec Cédric : tirer parti des bonnes pratiques marketing du digital pour les appliquer au point de vente !

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