Albert Heijn a la recette pour séduire les Belges. En atteste l’apparition il y a quelques mois d’une mayonnaise belge dans son assortiment MDD. Ce distributeur néerlandais a bien compris qu’aucun Belge n’accepterait de garnir ces frites avec la mayonnaise sucrée des Hollandais. La même constatation s’impose à nous lorsque nous nous rendons à l’ouverture du deuxième Albert Heijn en territoire belge, à Stabroek. Une montagne de caisses de Jupiler en promotion sont entassées à l’entrée : 15,85 euros les deux caisses de bouteilles de 33 cl. Il est amusant de voir sur le parking flambant neuf du magasin tous ces gens pousser des chariots remplis de… deux caisses de Jupiler ET de deux mille-feuilles, offerts gracieusement à tous les clients pour fêter l’ouverture de leur AH.
Albert Heijn poursuit donc imperturbablement son offensive en Flandre. Son ambition est d’ouvrir 10 supermarchés en Flandre d’ici la fin 2012. Notez bien : pas de To-go ( le modèle on-the-go de AH) ! Fait encore plus remarquable, ces magasins ne seront plus uniquement gérés par des franchisés mais également par le distributeur lui-même.
Une implantation limitée à la Flandre ? C’est ce qu’on nous affirme, car face à certaines considérations pratiques, comme la contrainte d’un double étiquetage, Albert Heijn préfère se limiter au territoire flamand. Nous avons demandé à Corné Mulders, Directeur Général d’Albert Heijn Belgique, si son entreprise s’abstenait réellement de devenir un grand de la distribution en Belgique. En se limitant à la Flandre, ne resteront-ils pas toujours un petit acteur ?… « Oui, nous nous orientons vers la Flandre", répond-il, « mais je ne dirais pas que c’est un « petit » territoire. La région compte 6 millions d’habitants. Il y a donc de quoi développer une entreprise respectable. » Albert Heijn cible-t-il encore 4% du marché ? Ce chiffre, qui a circulé lors de l’ouverture du premier magasin AH à Brasschaat, se basait sur une comparaison avec le Lidl. Corné Mulders : « Nous n’avons jamais avancé aucun chiffre, mais notre ambition est de grandir très rapidement. C’est pourquoi nous avons déjà arrêté l'emplacement de huit nouveaux magasins et que nous nous fixons le chiffre de 250 000 clients par semaine d’ici la fin 2012. Il y aura environ 50 emplois par magasin. » Corné Mulders accepte uniquement de nous confier l’emplacement du prochain supermarché à ouvrir, à savoir Hesseplein à Anvers. Anvers à nouveau ? Albert Heijn continue donc de viser les clients néerlandais habitant en zone frontalière ? « C’est ce que vous voulez savoir bien entendu, » s’amuse Corné Mulders. « Mais ce n’est pas le cas. Nous sommes fiers d’annoncer que depuis l’ouverture de Brasschaat, nous avons délivré plus de 18 000 nouvelles cartes bonus. Cela veut dire que les nouveaux clients belges sont très nombreux, certains viennent même de zones extérieures à Anvers. Notre CA provient pour presque 95% de clients flamands. » Le succès d’Albert Heijn à Brasschaat s’est vraiment révélé après les vacances d'été. « C’est le moment où les clients « revoient » le choix de leur magasin, poursuit Corné Mulders. « Notre chiffre d’affaires était alors exactement au même niveau qu'avant les grandes vacances. » Autrement dit : mission accomplie.
La semaine dernière, une action publicitaire a attiré l’attention des familles de Stabroek, qui ont trouvé une clé dans leur boîte aux lettres. Cinq de ces clés ouvraient la caravane promotionnelle de Albert Heijn. Les heureux possesseurs de ces clés disposent d’une minute pour faire gratuitement leurs courses dans le nouveau supermarché. Nous voulons évidemment en savoir plus. Marco Van Ende et sa sœur Nathalie, gérants d’Albert Heijn à Brasschaat et Stabroek, nous renseignent volontiers : « La minute d’achats gratuits n’a pas encore eu lieu. Evidemment, il ne s’agit pas que les gagnants pillent le magasin, mais ça ne pose pas de problème s’ils viennent d’abord repérer les lieux pour voir comment remplir au mieux leur chariot. » Nous voulons bien entendu savoir qui paiera la facture: Albert Heijn ou les frère et soeur Van Ende ? « C’est nous qui paierons », répond en riant Marco Van Ende, « mais c’est tout à fait logique, c’est à nous de faire la promotion de notre magasin dans la ville. »
Marco Van Ende ne se plaint pas de ses marges, même s’il ne cache pas que cela n’a rien à voir avec ce qu’il connaissait lorsqu’il était un « véritable » indépendant. Nous remarquons que cet Albert Heijn est nettement plus grand que l’ancien supermarché Van Ende de Stabroek. Mais Marco n’est pas d’accord : « On ne peut pas bien voir de l'extérieur, mais l’ancien magasin faisait 2000 mètres carré. Il va d’ailleurs bientôt être démoli. » Et à quelle date le troisième Albert Heijn de Van Ende va-t-il ouvrir ? Cette question fait pétiller les yeux de Marco : « Pour l’instant, c’est bien suffisant comme cela, mais on ne sait jamais ». Et d’ajouter : « Le Albert Heijn de Hesseplein ne sera en tout cas pas un Van Ende. »
La nouvelle succursale dépasse en taille les normes habituelles du distributeur : 2000 mètres carré de surface et pas moins de 17 000 articles. L’agrandissement concerne surtout les rayons vin et non alimentaire. Dix pour cent des produits sont typiquement belges, mais il est clair qu’Albert Heijn mise à fond sur l’assortiment hollandais. Voici un magasin où l’on peut aussi bien acheter des pépites à tartiner que de l’Emmental adaptés au goût belge. La globalisation est une réalité car les produits belges trouvent eux aussi, doucement mais sûrement, leur place sur les rayons des succursales Albert Heijn aux Pays-Bas.
Outre la Belgique, Albert Heijn a-t-il jeté son dévolu sur d’autres pays ? La réponse nous vient d’Albert Voogd, Directeur Général New Markets & Format Development d’Ahold Europe. Nous pouvons dès à présent prendre note : l’Allemagne fera bientôt connaissance avec Albert Heijn puisqu’en 2012, la Rhénanie du Nord – Westphalie accueillera elle aussi un supermarché AH.