En Suisse, l'enseigne Coop réagit aux plaintes des consommateurs suisses qui considèrent que, compte tenu de la force du franc suisse - valeur sûre en temps incertains - face aux devises étrangères, les produits d'importation européens devraient en toute logique évoluer à la baisse. Et elle lance une grande action extrêmement polémique envers une série de marques A, accusées de profiter de la situation et d'empocher la différence de taux de change très favorable. Coop montre ainsi publiquement du doigt Mars (Uncle Ben's), Ferrero et L'Oréal, dont elle déréférence certains articles (environ 95) où ces producteurs n'ont pas accepté de baisser le prix de 15% pour tenir compte du change. Et solde dans l'intervalle ces articles à 50%, s'offrant au passage une fameuse visibilité dans la presse. Rappelons que si l'euro valait 1,32 franc suisse l'an dernier, les deux monnaies frisaient la parité cet été en pleine tempête monétaire internationale ! Et ajoutons aussi que les prix des biens alimentaires importés ont connu une hausse de +0,5% entre juin et juillet... alors que l'euro perdait 15% par rapport au franc suisse!
Côté producteurs, on se dit très (désagréablement) surpris par ce boycott et soucieux de régler le problème par la négociation, et non en public. Comprenez, loin de toute tentation démagogique d'utiliser l'argument pour se faire de la pub. Hansueli Loosli, le directeur général du groupe Coop, considère pour sa part les réactions de la clientèle excellentes: "Près de 95% des gens nous félicitent pour notre décision. Nous exigeons des multinationales de répercuter l’intégralité des avantages dont elles bénéficient. C’est la première fois dans l’histoire de Coop que nous prenons une telle mesure. (...) Depuis des mois, nous négocions avec les multinationales sans obtenir un résultat raisonnable. Seule une petite minorité des fournisseurs a fait des concessions. Maintenant, la coupe est pleine."
Pays par nature pacifique, la Suisse est pourtant un marché où les tensions entre retailers et marques ne sont pas rares. L'autre poids lourd du retail suisse, Migros, avait dans le passé déjà déterré la hache de guerre avec P&G sur le prix des lames Gillette. Aujourd'hui, c'est Coop qui se charge de mener l'offensive, en lui donnant une publicité qui n'est pas sans rappeler la polémique Delhaize-Unilever connue chez nous voici trois ans. Une autre enseigne, Denner, filiale discount de Migros, avait précédé Coop sur cette question du change. Et Migros se tâte pour savoir si elle s'engagera aussi dans la bagarre, même si la prépondérance des références private labels dans son linéaire rend la situation un peu différente: elle dispose à priori d'une plus grande marge de manoeuvre pour faire baisser les prix.
Réaction sincère ou coup de pub? Peut-être un peu des deux. Sans oublier un facteur qui ajoute à la nervosité: les consommateurs suisses n'ont pas attendu cette polémique pour comprendre le parti qu'ils pouvaient tirer du franc fort: ils sont extrêmement nombreux, dans toutes les zones frontalières, à se précipiter le week-end dans les supermarchés et hypermarchés des pays voisins pour y faire des affaires en or. Ce que Hansueli Loosli avait en juillet regretté en taxant ces consommateurs de profiteurs, expliquant que ce "tourisme du franc fort" coûtait 2 milliards de francs au commerce helvète, et pesait lourdement sur la croissance de celui-ci (Coop, 20 milliards de FS de CA, s'attend cette année à une croissance entre 0 et 1%).