Deux nouveaux projets d’outlet lorgnent la clientèle belge : l’un à Tubize, l’autre à deux pas de la frontière française, près de Maubeuge. Ils devraient être prêts à rivaliser avec les villages de marques déjà existants de Maasmechelen et Messancy à l’horizon 2023. Y aura-t-il assez de place pour tout le monde ?

Le Tubize Outlet Mall (TOM) ne devrait ouvrir ses portes qu’en septembre 2023, mais ses futures boutiques sont d’ores et déjà en vente. Le complexe commercial s'étendra sur 12.500 m², auxquels s’ajouteront encore 4.000 m² de magasins de proximité, des logements, ainsi qu’une ferme maraîchère. « Vu l'exceptionnelle localisation du projet près de Bruxelles et des deux Brabants qui présentent un plus haut niveau de revenus, on cible plutôt des marques premium, leaders et emblématiques, orientées principalement vers le prêt-à-porter », a expliqué Pascal Seret, associé gérant de la société DCI Monaco qui développe le projet, dans La Libre. Selon le promoteur, la zone de chalandise couvrira le centre de la Belgique, le nord de la France et le sud des Pays-Bas, soit quelque 7 millions d’habitants, avec un focus particulier sur la capitale belge.

À une soixantaine de kilomètres de là, et à peu près à la même période, le Designer Outlet Hautmont, près de Maubeuge, devrait également accueillir ses premiers clients dans un espace commercial de 20.000 m², composé d’une centaine de boutiques. « Nous sommes à plus de 40% de précommercialisation avec des enseignes dans l'équipement de la personne et de la maison, plus quelques grands du sport », a assuré Jean-Michel Pacaud, fondateur du promoteur immobilier français JMP Expansion, auprès du quotidien belge. Situé à deux pas de la frontière, le village de marques français entend viser une clientèle composée de près de 60% de Wallons, 39% de Français et d’à peine 1,5% de Bruxellois. Le projet table sur une zone de chalandise totale d’environ 9 millions d'habitants.

La Wallonie coupée en deux

Malgré des terrains de chasse quelque peu différents, il n’en demeure pas moins que le Tubize Outlet Mall et le Designer Outlet Hautmont seront fort proche l’un de l’autre. Sans oublier que la clientèle belge, française, luxembourgeoise et néerlandaise dispose déjà de deux villages de marques où faire leurs achats dans notre pays : Maasmechelen Village et McArthurGlen Luxembourg  (Messancy). Et sans compter les outlets situés à l’étranger, mais à proximité de nos frontières. De quoi déclencher une concurrence féroce ? Selon Gwénaël Devillet, expert en géographie commerciale et professeur à l’Université de Liège, le match devrait surtout se jouer entre les deux futurs nouveaux venus, moins avec les ‘villages’ de Maasmechelen et Messancy qui ne devraient tout au plus subir qu’une perte minime de clientèle. « En Wallonie, les personnes se déplacent principalement selon un axe nord-sud qui part de Bruxelles, beaucoup moins d’est en ouest. Les habitants de l’est de la Région ne se déplaceront donc vraisemblablement que très peu vers Tubize ou Maubeuge. Et je ne pense pas qu’un grand nombre de personnes de Tubize ou Maubeuge se rendent souvent à Messancy. Cela ouvre donc toute la partie ouest de la Wallonie. »

« Le marché est saturé »

« Mais y a-t-il de la place pour de nouveaux acteurs de manière générale ? Non, puisque le marché est de toute manière saturé. La question est par contre de savoir si les nouveaux venus parviendront à se faire une place », souligne Gwénaël Devillet. « Le concept d’outlet mall a clairement des atouts à faire valoir. Ils peuvent généralement compter sur un regroupement de marques plutôt haut de gamme que l’on ne trouve pas en beaucoup d’endroits, à part au centre de Bruxelles par exemple. De plus, avec des dimensions de 15.000, voire 20.000 m², ils ont la capacité d’attirer des clients qui viennent de loin. Ces derniers y trouvent souvent un côté ‘fun shopping’, où l’on recrée pour eux un peu de la flânerie des centres urbains, ainsi que la garantie de bénéficier d’au moins 30% de réduction. Et ils peuvent en prime avoir le produit en main, ce qui n’est pas le cas lors d’un achat en ligne. » Mais tout n’est pas rose non plus pour le secteur. « De manière générale, le secteur du vêtement périclite », poursuit le spécialiste. « Quand on regarde les statistiques du budget des ménages, on constate que la part dévolue à l’habillement est passée de 6% à 4% en l’espace d’une petite dizaine d'années. Et bien sûr, le boom de l’e-commerce a également amené une solide concurrence. »

Ce qui fera la différence

Le Tubize Outlet Mall aura-t-il un pouvoir d’attraction suffisant pour attirer à lui les consommateurs bruxellois ou flamands ? Tout dépendra des avantages qui leur seront proposés et des marques qui leur seront présentées, estime Gwénaël Devillet. Car au-delà de la zone géographique d'implantation en elle-même, ce qui fait le succès d'un outlet, ce sont les marques que celui-ci parvient à héberger, tout comme la densité des grandes noms. « Ce qui fait le succès d’un complexe commercial de ce genre, c’est aussi l'opérateur qui est derrière. Sans un opérateur fort, capable d’attirer beaucoup de marques locomotives, le projet ne marchera pas. Ici en l'occurrence, je ne sais pas qui est derrière (au moment d’écrire ces lignes, DCI Monaco n’avait pas répondu à notre sollicitation pour connaitre le nom de l’opérateur en question, ndlr). Bref, le potentiel est là pour attirer des marques prestigieuses. Reste encore à savoir exactement comment le projet va être monté, qui sera l’opérateur, à quoi ressembleront l’intérieur et l’extérieur, etc. Autant d’éléments qui joueront sur l'ambiance et l'environnement qu’une marque va rechercher. »

« Plus une marque est prestigieuse, plus elle va vouloir s’implanter dans un endroit prestigieux, c’est-à-dire plus proche de Bruxelles », pointe encore Gwénaël Devillet. Cela, ajouté au fait que ces grands noms doivent également gérer avec soins leur exclusivité, fait dire au professeur de l’ULg que cette catégorie d’enseignes n’optera vraisemblablement pas pour le Designer Outlet Hautmont. « À Maubeuge, le contexte de densité est bien moindre et les niveaux socio-économiques plus bas qu’à Tubize. Le projet prendra donc certainement une forme plus standard, car le potentiel de base y est plus faible au départ. »