Actions de vente, sampling, animations, démonstrations ou dégustations : le field marketing dispose d’un très bel arsenal. “Aujourd’hui que le shopper est plus sensible que jamais à l’expérience et à l’émotion, le field marketing est un outil qui permet de faire la différence.”
C’est l’été et il est fait beau. Peu de monde dans le supermarché si ce n’est deux familles qui déambulent entre les rayons. Poussées par la curiosité, elles s’arrêtent devant un stand où une souriante hôtesse propose aux enfants de goûter une nouvelle boisson, en l’occurrence une eau infusée. Après le clin d’œil d’approbation du paternel, les enfants s’emparent avec ravissement du gobelet que leur tend la jeune-femme.
Vous risquez fort d’assister régulièrement à ce genre de scène cet été, car c’est la saison dont profitent toutes sortes de nouvelles boissons désaltérantes pour tenter de se frayer une place dans les rayons et, surtout, dans le caddie du consommateur. On devine aisément pourquoi le field marketing est un outil de communication aussi puissant : il laisse aux clients l’opportunité de découvrir par eux-mêmes un produit et d’exprimer ce qu’ils en pensent. The proof of the pudding is in the eating : cette vérité aussi vieille que le… pudding, s’applique également au secteur de la distribution. “Si le client peut tester un produit, il est d’autant plus susceptible de l’acheter” explique Tine Dirckx, managing director de Field & Concept. “Un des avantages du field marketing est l’interactivité avec le client qui augmente les possibilités de créer un lien. C’est d’autant plus important à une époque où sa fidélité est bien moins grande qu’autrefois. Il faut lui en offrir plus, lui offrir de bonnes raisons de revenir et donc de rester fidèle à la marque. Les animations et les dégustations ont largement démontré leur utilité en la matière car le consommateur est en quête d’expérience et d’émotion.”
Une autre raison de l’intérêt du field marketing tient au comportement des shoppers : ils se rendent on the go en magasin, c’est-à-dire sans liste de courses. Au contraire des hypermarchés – où les shoppers se rendent avec un objectif clair et donc une liste de courses bien établie – les supermarchés de proximité attirent une clientèle qui fait des courses ‘spontanées’ : elle se laisse guider par ce qu’elle trouve en rayon et se montre particulièrement ouverte aux nouveautés. Nouvelles boissons, produits exotiques, modes de préparation inédits séduiront le consommateur pour autant que les marques se soient donné la peine de soigner la présentation et que le retailer ait ajouté sa touche personnelle. “Il est important de donner vie aux produits, de les intégrer dans un récit” insiste Tine Dirckx. “C’est votre seule chance de convaincre le client directement en magasin.”
Une approche omnichannel
Pour Giovanni Van Bael, directeur marketing et communication chez All Fields, agence spécialisée dans le non-food et le bricolage, le field marketing fait avant tout partie d’une approche omnichannel : “Le field marketing a entamé une étonnante transformation au cours de second semestre de l’an dernier. Je l’explique notamment par le fait que fabricants et fournisseurs ont revu leur communication et le marketing de leurs produits pour l’adapter à une vision omnichannel. Le field marketing n’est plus considéré pour ses seules activités de merchandising. Nous constatons aujourd’hui que les questions de nos clients sont beaucoup plus larges : ‘Comment pourriez-vous élargir le soutien à nos produits et nous accompagner dans le processus de vente’. Nous avons donc modifié en profondeur le business model de sorte qu’il soit plus clair pour nos clients et nos prospects.”
On ne peut bien entendu pas ignorer ici l’influence de l’e-commerce tant il a modifié le comportement des consommateurs. Pour simplifier les choses, on dira que le consommateur recourt au collect & go pour les ‘grosses courses’ et ne se déplace que pour des achats qu’il juge plus ‘intéressants’. Ce qui signifie que, bien plus qu’autrefois, les retailers doivent être capables de faire la différence en magasin.
Le raisonnement vaut pour le non-food et le bricolage mais aussi pour les supermarchés. “Les ‘bons’ supermarchés veillent à ce qu’il se passe toujours quelque chose en magasin. Le déplacement jusqu’au magasin doit en valoir la peine” affirme Gunther Vaeyens, managing partner de Promo Sapiens. Investir sur l’expérience d'achat est une notion très large, qui va de la simple animation à l’exploitation de technologies comme la réalité virtuelle. “Les animations sont peut-être moins utilisées qu’avant, mais elles restent importantes. Parmi les évolutions marquantes, on constate que nos clients n’attendent plus de nous que nous organisions des animations dans tous leurs magasins. Ils préfèrent se focaliser sur les magasins présentant le plus gros potentiel et où les animations sont plus efficaces, autrement dit plus rentables. Les actions et les campagnes de grande envergure sont organisées dans des magasins soigneusement sélectionnés. Ainsi, l’expérience d'achat est plus intense pour les shoppers. Pour les actions de merchandising d’Alken-Maes par exemple, nous avions utilisé des zones de 20 à 40 m², indépendantes du supermarché.”
Focus sur l'expérience
Les interlocuteurs que nous avons rencontrés expliquent tous que la demande d’animations diminue. Giovanni Van Bael (All Fields) : “Le concept d’animation a été remplacé par l’expérience en magasin et le strorytelling. Les marques se montrent beaucoup plus prudentes dans l’utilisation de leur budget. Le focus est mis sur une analyse en profondeur du comportement du client et des intentions d’achat avec lesquels elles jouent de manière très subtile.”
Le recours à la technologie est une tendance relativement neuve. Gunther Vaeyens (Promo Sapiens) : “Nous avons récemment lancé – en collaboration avec l’agence Event Attitude – des lunettes de réalité virtuelle pour le compte de la marque de cidre Strongbow. Les clients étaient invités à les porter et, en jetant une pomme virtuelle, à colorer en vert autant de quartiers de la ville qu’ils le souhaitaient. Le slogan de la campagne était on ne peut plus explicite : ‘Make the city green’. Même si ce type d’action n’est pas reproductible dans tous les magasins, elle apporte une valeur ajoutée évidente, tant au magasin dans lequel elle se déroule qu’à l’expérience de la marque. Autre exemple : pour Dettol, nous avons installé un photomaton où les clients – qu’ils soient ou non accompagnés de leurs enfants – pouvaient prendre une photo avec Maya l’Abeille en arrière-plan. Nous avions aménagé cinq cabines que nous déplacions toutes les semaines vers un endroit différent.”
Tine Dirckx (Field & Concept) explique qu’indépendamment de l’utilisation de la technologie et de l’exploitation de nouvelles tendances, c’est à la construction d’une relation à long terme avec son client que l’agence doit travailler si elle entend mettre en place des campagnes efficaces. Il est vrai que ce n’est pas toujours évident. “Si vous avez la chance de travailler sur le long terme, vous connaissez les sensibilités d’une marque et d’un marché. C’est très important car cela vous permet de concevoir des actions et des campagnes bien meilleures et bien plus efficaces. Ceci étant, il faut imaginer de nombreux scénarii et multiplier les offres avant de convaincre les entreprises et les marques. C’est notamment lié à la pression que nous subissons du fait des directives européennes. Pourtant, il est vital pour nos clients de recruter de nouveaux clients et de les fidéliser. C’est l’un des grands défis d’aujourd’hui.”
Relation à la clientèle sur le long-terme
Gunther Vaeyens (Promo Sapiens) : “Nous essayons d’établir avec nos clients une relation à long terme. Cela leur profite directement. Par exemple, nous avons quatre personnes en charge du budget Mondelez. Le client les briefe trois à quatre fois par an. Chacune retourne régulièrement dans les mêmes magasins de sorte qu’elles connaissent parfaitement et les retailers – avec lesquels les relations sont excellentes – et les marques de Mondelez, c’est-à-dire Milka, Côte d’Or et LU. Tout va beaucoup plus vite. Mais, par ailleurs, nous constatons que les clients deviennent plus exigeants. Ils souhaitent des profils très spécifiques, comme par exemple des étudiants en médecine quand il s’agit de nourriture pour les animaux. Ce n’est pas toujours facile de répondre à leurs exigences.”
De plus en plus de marques et d’entreprises s’attendent à retour sur investissement élevé. Comme le souligne Tine Dirckx (Field & Concept), la rentabilité est donc une partie importante du travail des agences : “La plupart des entreprises cherchent par tous les moyens à compresser leurs coûts fixes et à les rendre variables en fonction de la périodicité des activités. De nombreuses équipes de terrain (sales et merchandising) sont externalisées. En la matière, la Belgique accuse un retard certain. Nous analysons également le support logistique des activités de terrain afin d’optimiser et d’augmenter le ‘facing time’ en magasin et de réduire les budgets des équipes de terrain.”
Gunther Vaeyens (Promo Sapiens) :“L’externalisation des équipes commerciales est une pratique qui est apparue il y a plusieurs années et qui devrait perdurer. Mars, par exemple, possède encore ses propres équipes de vente dans le food retail mais nous demande de prendre en charge – nous disposons d’une équipe de huit personnes pour le faire – l’out-of-home, c’est-à-dire les magasins de journaux, les stations-service et les magasins de proximité.”
ROI
On se pose évidemment l’épineuse question de savoir ce que rapporte réellement le field marketing. Quiconque investit dans le merchandising, la promotion et l’animation veut également savoir si les résultats sont la hauteur de son investissement. Giovanni Van Bael (All Fields) : “Tout spécialiste qui se respecte investit dans des systèmes de reporting efficaces. Chaque année, nous devons (ré) investir massivement dans des logiciels de plus en plus sophistiqués afin que le client puisse évaluer en temps réel la mission qu’il nous a confiée. Les clients adoptent des méthodes de travail de plus en plus scientifiques.”
Gunther Vaeyens (Promo Sapiens) : “Il n’en reste pas moins qu’il est difficile de mesurer précisément le retour sur investissement. On le comprend aisément quand on connaît le nombre de variables dont il faut tenir compte : du moment de la journée auquel on procède à la mesure, de la météo, de la période de l’année, du support qu’offre le magasin, etc. Vous pouvez bien sûr mesurer l’augmentation des ventes. C’est une donnée parfaitement objective. PepsiCo a déjà fait un test lors du lancement de nouvelles chips. Le merchandising n’a permis de vendre qu’à peine 10 sachets tandis que, grâce à la présence d’un animateur, il s’en est vendu plus de 200. L’impact est clair et ce résultat indique que l’animation est et peut être rentable. Mais pour obtenir une vision précise, vous êtes obligés d’inclure toute une série de variables.”