Alliances d’achat : les fournisseurs haussent le ton contre le nouveau-venu Epic
AIM
Les grands fabricants FMCG, réunis au sein de l’association européenne AIM, s’insurgent contre les agissements de la toute nouvelle alliance d’achat Epic, créée par Edeka, Magnit, ICA, Migros et Jeronimo Martins, et dirigée par Gianluigi Ferrari, l’ex-patron d’AgeCore. Les exigences d’Epic sont pour l’AIM de la pure extorsion.
Epic Partners, c’est la dernière en date des alliances d’achat de retailers européens, née au mois de mars dernier, autour de l’allemand Edeka, du hollandais Picnic, du suisse Migros, du russe Magnit, du suédois ICA, du portugais Jerónimo Martins et du polonais Biedronka. Elle a surtout été portée sur les fonds baptismaux par l’illustre Gianluigi Ferrari, ex-patron d’Agecore, qui a aussi récemment créé la centrale Everest, à Amsterdam, pour Edeka et Picnic, après qu’Edeka et Intermarché aient quitté AgeCore. Epic partners mutualise l’accès aux achats d’une alliance de retailers pesant collectivement 142 milliards d’euros, ce qui en fait, observe AIM, un ensemble plus puissant sur notre continent qu’Amazon.
Si le communiqué d’AIM évite soigneusement de citer le nom de Gianluigi Ferrari, il est toutefois clair que l’association lit aussitôt la signature de l’ex-patron d’Agecore et de ses identités précédentes Coopernic et Core, dans les exigences affichées par la plus récente, mais pas la moins agressive, des centrales. Comme on le sait, ces centrales négocient moins directement des volumes d’achat qu’elles ne superposent des ristournes ou contributions « on top » aux grands fournisseurs. AIM n’a pas tardé à faire publiquement connaître son mécontentement.
"Il nous revient que la même manipulation d’obstacles est déployée par Epic contre les fabricants de marques de grande consommation, que celle mise en place pendant des années par AgeCore, exploitant leur pouvoir significatif sur plusieurs marchés et faussant la concurrence", commente Michelle Gibbons, directrice générale d'AIM. « Les tactiques déployées par ces ‘garde-barrières’ ont été décrites dans le documentaire d'ARTE récemment diffusé ‘Hypermarchés, la chute de l'empire’. Des instructions coordonnées pour déréférencer, ou menacer de déréférencer des produits de plusieurs marchés, et l’extorsion de frais exorbitants pour accéder aux marchés - ce qui est une forme de péage d'entrée sur le marché - sont à nouveau déployés. Avec un retailer qui exerce un tel pouvoir sur les marchés des membres d'Epic, qui peut représenter 20 à 30 % de vos ventes sur ceux-ci, vous n'avez d'autre choix que de céder à des demandes qui sont plus qu'injustes : elles sont anticoncurrentielles et votre entreprise est tenue en otage."
Une prise de position publique assez rare
Il est très rare que les fabricants expriment publiquement leur colère face aux exigences des alliances d’achat qu’ils jugent injustifiées, autrement que par des confidences à la presse sous le sceau de l’anonymat. Mais la diffusion récente du document d’ARTE semble leur avoir donné davantage de confiance à cet égard, de même que les poursuites de l’Autorité de la concurrence française envers un des ex-membre d’AgeCore, Intermarché.
Toutefois, le communique d’AIM prend soin de ne pas insulter l’avenir, en faisant le tri entre le bon grain et l’ivraie, et ne rejetant pas catégoriquement le passage par le guichet européen, à condition qu’il offre de vraies plus-values mutuelles, et pas seulement des contreparties bidon désignées avec créativité pour masquer une forme de racket : " Ces alliances de garde-barrières diffèrent des véritables groupes d'achat qui rassemblent des retailers indépendants, lesquels collaborent avec les fabricants de produits de grande consommation afin de garantir une supply chain efficace et équitable, qui apporte le meilleur au consommateur. La supply chain est actuellement confrontée à de nombreux défis avec l'inflation, les difficultés logistiques et la flambée des coûts des matières premières. Dans le même temps, en tant que fabricants de marques de grande consommation, nous continuons à innover, à investir et à transformer nos processus de production et nos produits pour un avenir plus durable. Une supply chain équitable qui travaille ensemble pour une Europe plus durable ne peut pas fonctionner avec ce type de comportement toxique qui fausse la concurrence et nuit finalement aux consommateurs et aux entreprises de l'UE", conclut Michelle Gibbons, directrice générale de l'AIM.